Le géant britannique des hydrocarbures BP a remporté la majorité des votes lors de son assemblée générale jeudi, malgré une part notable d’actionnaires remontés contre sa décision de ralentir sa transition énergétique, ou son plan de rémunérations.
L’assemblée générale, qui se tenait à Londres, a été perturbée dès le début par des militants de l’ONG Fossil Free London interrompant à plusieurs reprises les discours du président du groupe Helge Lund et du directeur général Bernard Looney, pour manifester leur opposition à la stratégie de neutralité carbone de l’entreprise. « 2050 est bien trop loin, il faut agir maintenant », a lancé une militante au dirigeant, jugeant que les objectifs climat du groupe n’étaient « pas suffisants ». « Arrêtez de forer pour extraire des combustibles fossiles », a lancé un autre.
La sécurité a fait sortir plusieurs militants, et l’assemblée générale poursuivait son cours jeudi après-midi. Des fonds de pension parmi les plus importants au Royaume-Uni avaient de leur côté prévenu qu’ils allaient s’opposer à la reconduction du mandat de Helge Lund à l’issue de l’assemblée générale.
Au final, la tentative de trois fonds de pension de bloquer la réélection du président du CA a échoué, ne réunissant que 9,57% des votes. Une autre résolution d’actionnaires proposée par l’organisation d’actionnaires activiste Follow This, qui aurait forcé BP à revoir ses plans de transition énergétique pour les rendre plus ambitieux, n’a récolté que 16,75% du total des votes.
Par ailleurs, près d’un actionnaire sur cinq, soit 18,05% des actionnaires, ont voté contre le plan de rémunération des dirigeants, malgré les bénéfices record du groupe, selon des résultats préliminaires du vote. Le directeur général Bernard Looney s’est dit « ravi du soutien massif reçu avec les votes de ce jour ». Mark van Baal, fondateur de Follow This, a affirmé que le groupe « trompait les actionnaires » en présentant ses plans de transitions énergétiques comme en ligne avec les objectifs de l’accord de Paris.
BP avait annoncé en février, en marge de résultats record, qu’il comptait doper ses bénéfices d’ici 2030 en investissant davantage à la fois dans les énergies renouvelables mais aussi dans les hydrocarbures, ralentissant le rythme de sa transition énergétique.
« Sérieuses inquiétudes »
Greenpeace, qui louait un an plus tôt « le plus ambitieux des géants pétroliers » pour sa transition, avait alors fustigé des engagements « sapés par la pression des investisseurs et des gouvernements ». Parmi les fonds de pension qui voulaient voter contre la reconduction de M. Lund, le fonds de pension Nest avait affirmé que « si BP continue sur cette trajectoire, nous avons de sérieuses inquiétudes sur le fait qu’ils atteindront leur objectif de neutralité carbone et sur le succès à long terme de l’entreprise ».
Le fonds appelait à des investissements « davantage dans les solutions à faible émission de carbone et les renouvelables, plutôt que dans de nouveaux sites pétroliers et gaziers ». Brunel, autre fonds de pension, avait indiqué lui aussi qu’il voterait contre la reconduction du président de BP.
Follow This estime qu’un « objectif de neutralité carbone pour 2050 est insuffisant », et demande au groupe d’aligner ses objectifs de réduction d’émissions pour 2030 sur ceux de l’accord de Paris – qui vise à limiter le réchauffement climatique en dessous de deux degrés et si possible à 1,5°C par rapport à la période 1850-1900.
« Nous reconnaissons que certains actionnaires et autres parties prenantes peuvent avoir des points de vue différents sur les décisions que nous prenons », avait reconnu le CA dans une réponse à cette résolution, précisant que le conseil d’administration « considère (sa stratégie climatique) globalement cohérente avec les objectifs de Paris ».
Pendant la conférence, M. Looney a défendu la nouvelle stratégie en affirmant qu’il ne s’agissait pas de renouvelables ou hydrocarbures mais des deux en même temps.