Un Blackout au Texas a contraint en février 4 millions d’américains à vivre plongés dans le noir plusieurs jours durant. Du 15 au 18 février, une grande partie de l’État s’est vu ainsi totalement privée d’électricité. Souvent pointée du doigt, l’énergie éolienne a tout autant failli que les centrales à gaz, charbon et nucléaire. L’effondrement du réseau électrique n’a donc pas qu’une seule cause et dépend en réalité d’une multitude de facteurs.
Un Blackout au Texas provoqué par une vague de froid inédite
Une tempête arctique s’abat sur le Texas le 15 février 2021
Le Blackout au Texas dérive avant tout d’un phénomène naturel extrêmement rare pour la région. Poussé par des températures élevées en Arctique, un vortex polaire s’est en effet déplacé vers le sud des États-Unis. Ce phénomène appelé « Arctic Blast » avait déjà touché le Texas en 2011. Néanmoins, la tempête de 2021 constitue un évènement d’une ampleur sans précédente par le niveau de chute des températures.
Ainsi, ces dernières sont descendues de 25 degrés en dessous des températures moyennes pour la saison. Le 15 février, la température moyenne de l’État descendait à – 18 °C, un record historique. Le thermomètre d’une ville comme San Antonio a même atteint son plus bas (-11 °C) depuis 1895. Au pire de la crise, l’ensemble des comtés de l’État se trouvaient officiellement en alerte « froid glacial ».
Une demande d’électricité en forte hausse
En conséquence de cette vague de froid, la demande d’électricité a explosé dès la nuit du 14 février. L’État s’appuie en effet sur l’électricité pour répondre à une grande partie de ses besoins énergétiques. Au Texas, environ 60 % des ménages consomment de l’électricité pour se chauffer, un chiffre supérieur à la moyenne nationale. Cela s’explique par l’importance de la climatisation dans un État aux températures très élevées pendant l’été.
Confronté au froid intense, le consommateur texan se tourne donc naturellement vers l’électricité entraînant une élévation soudaine de la demande. Le 15 février, celle-ci a atteint son pic à 76,8 GW, soit 10 GW de plus que le précédent record. Pour rappel, dans ses pires scénarios, ERCOT, l’opérateur du réseau, envisageait un pic de la demande à 59 GW. Autant dire que le réseau n’était absolument pas prêt à faire face à une telle demande.
Un effondrement soudain de l’offre d’électricité
Des générateurs d’électricité non-préparés à la vague de froid
Pour faire face à cette demande, l’opérateur pouvait compter sur un panel de sources disponibles relativement diversifiées. Le Texas possède ainsi 4 centrales nucléaires, plusieurs centrales à charbon, des parcs éoliens et des infrastructures gazières en quantité. Malheureusement, dès le 15 février, les générateurs d’électricité vont l’un après l’autre réduire leur production en raison du froid.
Ce furent d’abord les éoliennes dont les lames complètement gelées ont entraîné une diminution par 2 de la production. À cela s’ajoute la fermeture de plusieurs centrales à charbon dû au gèle de certains équipements. En tout, l’opérateur du réseau ne disposait que de 60 % des capacités disponibles habituelles de charbon. Enfin, le froid a perturbé l’alimentation en eau des centrales nucléaires provoquant la fermeture d’une des quatre centrales de l’État.
La production de gaz s’effondre, soit la moitié du mix électrique
Mais ce fut surtout l’effondrement de la production de gaz qui constitua la véritable origine du Blackout au Texas. Le gaz représente effectivement près de 50 % du mix électrique et sert prioritairement à répondre aux pics de demande. À lui seul, l’État se classe même au troisième rang mondial en matière de production gazière. Or, dès le 15 février, plusieurs centrales ont été contraintes d’arrêter de produire et de livrer du gaz.
En effet, le froid polaire a gelé les têtes de puits entrainant un arrêt presque complet de la production. De même, les producteurs locaux n’utilisent pas d’équipements et de matériels résistants au froid aggravant encore davantage la situation. Enfin, la majorité des gazoducs étaient inutilisables du fait du manque d’électricité. Entraînée dans un véritable cercle vicieux, l’industrie gazière manquait ainsi d’électricité afin d’alimenter en retour le réseau électrique.
4 millions d’américains plongés dans le noir
L’absence d’interconnexions électriques avec les autres États
Malgré l’ensemble des facteurs décrits précédemment, le Blackout au Texas aurait pu être évité par l’interconnexion des réseaux électriques. En cas de déséquilibre du réseau, un opérateur peut en effet importer de l’électricité afin de répondre à ses besoins. En Europe, par exemple, le Danemark importe l’essentiel de son électricité lorsque sa production éolienne décline.
Au Texas, cependant, cette possibilité a toujours fait l’objet d’un refus catégorique de la part des autorités politiques. Cela provient d’une méfiance généralisée des autorités texanes vis-à-vis de la règlementation fédérale. Rappelons que toute interconnexion entre au moins deux États tombe sous la juridiction des agences fédérales américaines. Par conséquent, le Texas s’est toujours refusé de partager son réseau électrique, et ce, au détriment de sa stabilité.
ERCOT coupe le courant
Dans ces conditions, l’opérateur ERCOT se retrouvait en grande difficulté afin d’équilibrer le réseau électrique. Au paroxysme de la crise, les besoins dépassaient de 25 GW l’offre disponible. En d’autres termes, près de 35 % de la demande n’était pas couverte par la génération d’électricité disponible.
Or, un réseau doit être constamment équilibré entre l’offre et la demande sous peine de s’effondrer totalement. Selon ERCOT, cette situation aurait pu se produire si l’opérateur n’avait pas coupé l’électricité pour 4 millions de consommateurs. Cette opération de « load shedding » consiste à réduire arbitrairement la demande afin de protéger la stabilité du réseau. Il faudra attendre le 18 février pour que ces 4 millions d’habitants puissent avoir accès de nouveau à l’électricité.
En conséquence, le Blackout au Texas provient d’une série de défaillances de la part de l’ensemble des générateurs d’électricité. Le problème ne vient donc pas des sources d’énergie disponibles, mais de la résilience des générateurs au froid. La crise texane interroge de facto la capacité des réseaux électriques à faire face à des évènements climatiques extrêmes.
En outre, cet évènement a entrainé un désastre et économique et humanitaire majeur.