L’Allemagne va réviser son cadre réglementaire pour les réseaux d’électricité et de gaz, avec un relèvement des revenus autorisés d’au moins 1,4 % pour la période 2029-2033. Cette mesure, annoncée par l’Agence fédérale des réseaux (Bundesnetzagentur), vise à améliorer l’attractivité du secteur pour les investisseurs sans compromettre la discipline d’efficacité exigée des opérateurs. Elle s’inscrit dans le processus de réforme appelé NEST (Neues System der Entgeltregulierung), qui remodèle les règles de rémunération et d’incitation applicables à plus de 900 gestionnaires d’électricité et de gaz.
Pression des acteurs et besoin de capitaux
Les principaux opérateurs, dont Amprion et E.ON, réclamaient depuis plusieurs mois un ajustement du cadre de rémunération, estimant que les taux actuels – environ 7 % avant impôt pour les nouveaux actifs – ne suffisaient plus à attirer les capitaux nécessaires. Le volume d’investissement cumulé pour moderniser les infrastructures électriques d’ici 2045 est estimé à plus de 450 Mds €, selon les projections des groupes concernés.
Ce relèvement modéré vise à améliorer le profil de risque-rendement de ces opérateurs tout en évitant une hausse immédiate des tarifs pour les consommateurs finaux. La Bundesnetzagentur prévoit en parallèle une baisse progressive des subventions de feed-in distribuées entre 2026 et 2028, ce qui réduira les charges réseau dès 2029.
Un mécanisme différencié selon la performance
Dans le cadre NEST, l’augmentation de revenus autorisés ne sera pas uniforme. Les opérateurs les plus efficaces pourront bénéficier d’une plus grande part de cette hausse, via un mécanisme de benchmarking. La réforme introduira également de nouveaux paramètres pour mieux intégrer les signaux d’investissement à long terme dans les calculs de revenus.
Les gestionnaires de réseaux de gaz, confrontés à une baisse structurelle de la demande et à des coûts de démantèlement élevés, seront intégrés au nouveau cadre à partir de 2028. Le traitement de ces infrastructures fera l’objet de règles spécifiques afin d’éviter la création d’actifs échoués non amortis.
Conséquences pour le marché et les industriels
Pour les industriels, cette réforme modifie les hypothèses tarifaires sur lesquelles reposent les contrats à long terme. Les grandes entreprises électro-intensives et les centres de données devront anticiper une possible variabilité accrue des charges réseau, liée à la performance individuelle des opérateurs.
La mesure pourrait également relancer les investissements dans les projets d’interconnexion, de digitalisation et de raccordement au réseau. La Bundesnetzagentur met l’accent sur la nécessité de réduire les congestions et de renforcer les interconnexions européennes, considérées comme essentielles pour la sécurité d’approvisionnement.
Impacts différenciés selon les profils d’opérateurs
Les grandes entreprises cotées telles qu’E.ON, RWE ou EnBW verront une amélioration de la visibilité sur leurs cash-flows régulés, ce qui facilitera leurs plans de financement à long terme. Les Stadtwerke, opérateurs locaux détenus par les municipalités, pourraient en revanche subir une pression accrue du fait de leur taille réduite et de leur capacité limitée à atteindre les benchmarks d’efficacité.
Enfin, le traitement différencié du gaz intègre des exigences européennes visant à éviter les distorsions réglementaires. Le régulateur allemand devra concilier rémunération équitable des actifs gaziers résiduels et trajectoire de sortie progressive, dans un cadre juridiquement sécurisé pour les opérateurs.