Avec la batterie verte, l’Europe tente de trouver un avantage compétitif sur un marché de la batterie aujourd’hui dominé par l’Asie. Pour cela, Bruxelles durcissait en décembre 2020 sa directive sur la batterie. Les critiques se font maintenant sentir quant à l’impact économique et social à court terme de ce texte.
Batterie verte, l’Europe rattrape son retard
La batterie verte, nouveau cheval de bataille de l’UE pour concurrencer et se démarquer des producteurs asiatiques. D’après BloombergNEF, la Chine produit ainsi 60 % des batteries dans le monde. Sa domination atteint même 77 % dans la fabrication des cellules et 80 % dans le raffinage des matériaux utilisés.
À contrario, l’Europe représente moins de 5 % de la fabrication des cellules au niveau mondial. Cette situation devrait néanmoins évoluer dans quelques années avec les premiers effets attendus de l’Alliance européenne des batteries. Selon la Commission européenne, l’Europe devrait devenir auto-suffisante en matière de cellules dès 2025. Pourtant, en dépit de cette hausse, le continent ne devrait représenter que 15 % de la production mondiale.
Forte pollution induite par la production des batteries
Autre difficulté pour l’Europe, la fabrication des batteries reste encore extrêmement polluante. On estime aujourd’hui à 60kg CO2/kWh l’empreinte carbone de la production d’une batterie. Il faudrait dès lors conduire plus de 18000 km (grandes variations de données selon les études) avec un véhicule électrique pour émettre moins qu’un véhicule thermique. Il apparait aussi que les ventes de véhicule électrique ont baissées en 2020 selon BloombergNEF.
Ce coût environnemental s’explique par le niveau de pollution engendré par l’exploitation des mines d’extraction des matières premières. À cela s’ajoute l’impact extrêmement négatif du raffinage et de la transformation des métaux sur les émissions de CO2. Surtout, la fabrication d’une batterie exige une quantité importante d’électricité pouvant provenir des énergies fossiles comme le charbon.
Une nouvelle directive pour les batteries bas-carbone
Confrontée à la concurrence asiatique, l’Europe compte faire de la batterie verte un levier pour rattraper son retard. Pour Bruxelles, étant donné leur faible empreinte environnementale, ces batteries offriront un avantage compétitif à l’Europe sur ce marché d’avenir. En effet, la multiplication attendue des taxations du carbone favorisera les producteurs de batteries aux standards environnementaux les plus élevés. Il s’agira d’un vrai avantage face à la Chine dont l’essentiel de la production consomme du charbon comme électricité.
Aujourd’hui déjà, les émissions chinoises liées aux véhicules électriques sont 60 % supérieures à celles de l’Europe. L’UE possède également une entreprise leader dans ce segment de batteries avec la compagnie suédoise Northvolt. Cette dernière fabrique des batteries à très faible empreinte carbone et a signé un partenariat important avec BMW.
Un calendrier en trois étapes
Afin d’utiliser cet avantage stratégique, la Commission européenne vient de proposer une directive pour les batteries bas-carbone. Cette directive impose aux industriels de publier l’empreinte carbone de leur production de batteries dès 2024. À cette date, la Commission devrait proposer une limite d’émissions de CO2 à respecter dès 2027.
Par la suite, l’Europe espère imposer dès 2030 un pourcentage minimal de matières premières à recycler. Il s’agit de stimuler le recyclage de matériaux critiques comme le cobalt, le nickel ou le lithium. Par ailleurs, la Commission a proposé de relever son objectif de recycler les batteries portables à 65 % dès 2025.
Comment accéder aux terres rares ?
En dépit de son ambition, la directive européenne sur la batterie verte risque d’être confrontée à de nombreux obstacles. Le premier d’entre eux concerne la dépendance européenne à l’extraction et au raffinage des matières premières. Aujourd’hui, l’Europe importe ainsi environ 98 % de ses besoins en terres rares utilisées dans la fabrication des batteries.
Pour les industriels européens, la difficulté sera de s’assurer que leurs fournisseurs étrangers respectent les critères environnementaux de la Commission. Or, les Européens subiront inévitablement la concurrence des compagnies Chinoises n’ayant pas les mêmes exigences environnementales. Rappelons que la Chine possède déjà des parts dans 50 % des mines de cobalt en République démocratique du Congo. Autrement dit, du fait des différences de normes environnementales, l’accès aux matières premières pourrait devenir plus difficile pour les Européens.
Crainte sur l’augmentation des coûts de fabrication
En outre, la directive européenne se trouve sous le feu des critiques pour son impact sur les coûts de production. En effet, les ambitions en matière de recyclage imposent des dépenses supplémentaires des entreprises en matière de R&D. À cela, il faut ajouter les surcoûts engendrés par l’évaluation de l’empreinte carbone de l’ensemble de la chaîne de valeur.
Mais surtout, la directive impose que les fabricants de batteries s’alimentent directement en électricité bas-carbone. Or, aujourd’hui l’essentiel de la fabrication se situe en Europe de l’Est ou en Allemagne, région encore dépendante du charbon. La directive va donc contraindre ces fabricants soit à délocaliser, soit à changer de fournisseurs d’électricité vers plus de renouvelables. Tout ceci aura un coût important pour les industriels européens engagés pourtant dans une véritable compétition avec leurs concurrents asiatiques.
En conséquence, la directive européenne fait l’objet de nombreuses critiques pour ses objectifs souvent qualifiés d’irréalistes. Réuni en mars dernier, le Conseil européen a lui-même émis des doutes quant aux objectifs de la Commission européenne. Il est donc peu probable que cette directive soit adoptée telle quelle dans les prochains mois. Le Conseil s’est néanmoins accordé sur le fait que la batterie verte constituaient bien l’avenir de l’industrie Européenne.