Le contentieux territorial autour de l’île de Mbanie, minuscule îlot de la côte ouest-africaine, illustre les tensions croissantes en Afrique centrale autour des ressources pétrolières. Ce litige opposant le Gabon à la Guinée équatoriale remonte aux années 1970, mais les découvertes d’hydrocarbures dans la région au début des années 2000 ont relancé la querelle.
En octobre, les représentants des deux nations ont exposé leurs arguments devant la Cour internationale de justice (CIJ) à La Haye, qui devra trancher définitivement cette affaire en 2025. Pour Malabo, la Guinée équatoriale revendique la propriété de Mbanie sur la base d’un traité de 1900 signé entre l’Espagne et la France, fixant les frontières coloniales en Afrique de l’Ouest. De son côté, le Gabon fonde sa défense sur la Convention de Bata de 1964, document selon lequel l’île appartiendrait au territoire gabonais. La Guinée équatoriale conteste toutefois la légitimité de cette convention, qu’elle considère comme non signée et dépourvue de valeur juridique.
Des ressources pétrolières en jeu
L’enjeu dépasse largement la dimension territoriale : les eaux autour de l’île de Mbanie recèlent d’importantes ressources pétrolières. Des gisements voisins, situés dans les eaux de Guinée équatoriale, produisent actuellement près de 31 000 barils de pétrole par jour et contiendraient plus de 740 millions de barils de pétrole récupérable. Parmi les principaux sites, on trouve le champ en eaux profondes de Ceiba et le complexe d’Okume, opérés par des sociétés internationales comme Trident Energy, Kosmos Energy et Panoro Energy, ainsi que par la compagnie nationale équato-guinéenne GEPetrol.
Du côté gabonais, les perspectives pétrolières incluent le projet Nyonie Deep 1, géré par Perenco, et le projet Topaze-Pilote de Capitaine Energy, prévus pour entrer en production dans les années 2030.
Une dépendance économique au pétrole
Les économies du Gabon et de la Guinée équatoriale reposent en grande partie sur les revenus pétroliers, faisant de cette ressource un pilier de leur stabilité économique. Toutefois, les deux pays sont confrontés à un déclin de leur production ces dernières années. La Guinée équatoriale, autrefois prospère dans le secteur des hydrocarbures, a vu sa production chuter de 79 % depuis son pic de 289 000 barils par jour en 2015. En septembre 2024, la production équato-guinéenne n’atteignait plus que 60 000 barils par jour. La situation s’est encore complexifiée en juin dernier avec le départ d’ExxonMobil, laissant GEPetrol, novice dans la gestion de grands projets, en charge de l’exploitation du champ de Zafiro, une infrastructure cruciale pour le pays.
Le Gabon, de son côté, peine à accroître sa production, stagnante depuis 2016. La production actuelle du pays avoisine les 210 000 barils par jour, malgré des investissements pour stimuler les activités d’extraction. En juin dernier, la société d’État gabonaise a préempté la vente des actifs pétroliers d’Assala à Maurel & Prom, avec le soutien de Gunvor, un négociant en matières premières.
Une décision qui pourrait redéfinir la géopolitique régionale
Les litiges territoriaux liés aux ressources naturelles sont fréquents en Afrique, où plusieurs États partagent des zones maritimes riches en hydrocarbures. Récemment, la République démocratique du Congo et l’Angola ont signé un accord de partage de production pour mettre fin à un différend de 50 ans autour du bloc 14, opéré par Chevron. La résolution de ces conflits est souvent perçue comme une étape cruciale pour stabiliser la région et attirer les investissements étrangers dans le secteur énergétique.
Pour le Gabon et la Guinée équatoriale, dont les économies sont fragilisées par le déclin de la production pétrolière, la souveraineté sur l’île de Mbanie pourrait offrir une occasion de redynamiser leurs industries respectives. Aucun des deux États n’est prêt à renoncer aux perspectives prometteuses offertes par les eaux entourant Mbanie, faisant de cette décision judiciaire un point tournant dans leur stratégie énergétique.