La région autonome du Kurdistan irakien a récemment signé deux accords majeurs avec les entreprises américaines WesternZagros et HKN Energy, lors d’une visite officielle du Premier ministre kurde, Masrour Barzani, à Washington. Ces contrats portent sur l’exploitation de vastes réserves gazières et pétrolières situées dans la région kurde, représentant des investissements potentiels de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Bagdad considère cependant que ces accords enfreignent la souveraineté énergétique nationale de l’Irak, relançant ainsi une ancienne controverse entre le gouvernement central et Erbil.
Action judiciaire de Bagdad
En réaction immédiate à ces annonces, le gouvernement irakien a saisi le tribunal du commerce d’al-Karkh à Bagdad pour invalider juridiquement les contrats signés par la région autonome kurde. Le ministère du Pétrole irakien considère en effet que ces contrats violent la Constitution fédérale, selon laquelle la gestion et l’exploitation des ressources pétrolières et gazières relève exclusivement de la compétence du gouvernement central.
Plus précisément, les autorités irakiennes dénoncent un contrat avec WesternZagros pour l’exploitation du bloc de Topkhana, qui, avec le bloc adjacent de Kurdamir, représente environ 5 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel et 900 millions de barils de pétrole brut. Le second accord, conclu avec HKN Energy, vise à exploiter le champ gazier de Miran, estimé à près de 8 000 milliards de pieds cubes de gaz naturel. Le potentiel économique cumulé de ces deux contrats pourrait atteindre environ 110 milliards de dollars à terme.
Position des États-Unis
Face à cette action en justice, les États-Unis ont publiquement exprimé leur soutien aux contrats conclus entre les entreprises américaines et le gouvernement régional kurde. La porte-parole du département d’État américain, Tammy Bruce, a appelé Bagdad et Erbil à coopérer afin de favoriser une augmentation rapide de la production nationale de gaz naturel. Selon elle, ces partenariats économiques sont bénéfiques tant aux intérêts américains qu’à la prospérité et à l’indépendance énergétique de l’Irak.
La diplomatie américaine insiste sur la nécessité d’une région kurde économiquement solide au sein d’un Irak fédéral stable, afin de garantir les intérêts stratégiques des deux pays dans la région du Moyen-Orient. Washington privilégie ainsi ouvertement la voie d’une coopération renforcée plutôt que celle des tensions judiciaires et politiques persistantes.
Un conflit ancien ravivé
Les tensions autour de la gestion des ressources énergétiques entre Bagdad et la région autonome kurde ne sont pas nouvelles. Pendant plusieurs années, le Kurdistan a exporté ses ressources pétrolières directement via la Turquie, en passant par le terminal pétrolier de Ceyhan, sans l’accord préalable du gouvernement central irakien. Un arbitrage international rendu en faveur de Bagdad avait toutefois interrompu ces exportations, forçant le Kurdistan à réorienter ses ventes via la compagnie pétrolière nationale irakienne.
Malgré ces précédents judiciaires, le gouvernement régional du Kurdistan soutient la légalité totale des nouveaux contrats, affirmant que ceux-ci ne comportent aucune faille juridique et qu’ils sont compatibles avec les pratiques internationales standardisées. Erbil estime par ailleurs que les entreprises concernées disposent déjà d’une solide expérience dans l’exploitation des ressources locales.