Les résultats financiers de Shell et TotalEnergies ont relancé jeudi le débat sur les “superprofits” avec l’annonce, à eux deux, de plus de 13 milliards de dollars de bénéfices en trois mois, alimentés par la hausse des prix de l’énergie qui étouffe au quotidien le pouvoir d’achat des consommateurs.
Dans le détail: 6,6 milliards de dollars de bénéfice net au troisième trimestre chez le géant français et 6,7 milliards pour Shell. Tous les deux profitent de l’envolée des prix du pétrole et du gaz après l’invasion russe de l’Ukraine.
En parallèle, l’inflation a atteint des niveaux records en Europe, avec presque 10% en zone euro en septembre, et l’économie ralentit.
De quoi alimenter le débat sur la taxation de ces profits exceptionnels et le partage avec les salariés – un sujet propulsé également au-devant de la scène par la longue grève dans les raffineries françaises de TotalEnergies, qui continue de causer des ruptures de carburants dans les stations-service.
“Les salariés ont raison de demander 10% de hausses de salaires” après ce bond de 43% des bénéfices trimestriels sur un an, a tweeté le député français Thomas Portes, de La France insoumise (LFI).
– Salaires et dividendes –
Le chef des sénateurs socialistes français, Patrick Kanner, a suggéré de son côté que TotalEnergies “participe à l’effort national pour permettre aux plus démunis de faire face à la crise inflationniste”.
“Tant mieux”, a lancé à l’inverse le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, rappelant sur la chaîne BFM Business que les bénéfices exceptionnels permettaient notamment de financer une remise à la pompe, “d’augmenter les salaires” et de “donner un 13e mois aux salariés”, comme le groupe l’a annoncé.
L’entreprise a aussi signé un accord d’augmentation des salaires en France, pour mettre fin à la grève dans ses raffineries, qui se poursuit toutefois sur deux sites.
Mais TotalEnergies avait, dès fin septembre, annoncé le versement d’un dividende exceptionnel à ses actionnaires de 2,62 milliards de dollars au total, pour “partager avec ses actionnaires les résultats de la compagnie dans ce contexte de prix hauts”.
Autre forme de gratification des actionnaires, Shell va racheter pour 4 milliards de dollars d’actions d’ici la fin de l’année – de quoi faire progresser le cours en Bourse et reverser de l’argent aux investisseurs.
“Pendant que Shell continue à encaisser des milliards, combien de ménages de plus vont se retrouver précipités dans la pauvreté énergétique avant que le gouvernement ne réagisse?”, a également réagi l’ONG Greenpeace au Royaume-Uni.
– Taxe européenne –
“On va les taxer”, a assuré le ministre français des Comptes publics Gabriel Attal sur Franceinfo, en référence à la contribution européenne de “solidarité” qui devrait permettre de taxer, pour 2022, notamment les activités de raffinage.
L’Observatoire des multinationales estime que le groupe devrait payer entre 40 et 65 millions de dollars d’impôts en France en 2022 au titre de ce mécanisme européen, “soit à peine 0,2% des profits mondiaux”, et “640 millions à 1 milliard de dollars” pour l’UE.
De son côté, TotalEnergies estime à 1 milliard d’euros le montant de la contribution qu’il aurait à payer cette année dans six pays de l’UE, si elle y était mise en place.
Le patron de Shell avait appelé dès début octobre à des taxes supplémentaires et a dit jeudi “accepter” que “les gouvernements interviennent” alors que “beaucoup de gens dans la société souffrent” de l’inflation.
Le patron a assuré que le groupe travaillait avec les différents gouvernements en Europe sur la forme que pourraient prendre une telle fiscalité exceptionnelle.
Mais au Royaume-Uni, où une telle taxe est déjà en place, le géant pétrolier n’a pour l’instant rien payé en raison d’investissements élevées – un mécanisme qui permet d’effacer cette “windfall tax”, critiquée pour cette raison comme largement insuffisante.