Le scénario d’une entrée en vigueur anticipée du ban européen sur le gaz russe modifie l’équilibre de court terme. La European Commission (EC, Commission européenne) vise la fin des importations par gazoduc et du liquefied natural gas (LNG, gaz naturel liquéfié) russe, avec un calendrier légal déjà proposé. Une mise en application complète dès 2026, et non 2028, intervient avant la montée en régime des nouveaux volumes mondiaux de LNG. Les indicateurs de place, dont le Title Transfer Facility (TTF), reflètent alors une tension accrue.
Effet prix agrégé et profil temporel
Dans cette hypothèse 2026, l’écart moyen au Référence sur 2026-2035 atteint environ 0,54 $/MMBTU pour le TTF et 0,43 $/MMBTU pour le spot asiatique. L’impact est concentré sur 2026-2027, avec un différentiel légèrement inférieur à 1 $/MMBTU sur les deux hubs. La progression se tasse ensuite lorsque l’offre additionnelle mondiale arrive. La structure de prix reste plus élevée qu’en cas d’application intégrale en 2028, où l’écart TTF moyen est voisin de 0,27 $/MMBTU.
Le différentiel tient à deux paramètres fondamentaux. D’une part, la « vague LNG » n’amortit pas encore le choc en 2026, le marché restant tendu en flexibles et en fenêtres d’affrètement. D’autre part, l’offre régionale non russe n’est pas pleinement disponible : les productions en mer Noire de Türkiye et de Roumanie n’ont pas encore atteint leurs paliers. La combinaison de ces facteurs limite les arbitrages et renforce la dépendance aux infrastructures existantes.
Dispersion géographique en Europe
La répercussion est hétérogène selon l’accès au LNG et la connectivité interconnexions. Les pays d’Europe centrale et orientale fortement adossés aux flux de gazoduc voient des niveaux spot dépasser 20 $/MMBTU en 2026 en Autriche, Hongrie et Slovaquie. L’Allemagne, la Tchéquie, l’Italie, la Slovénie et la Suisse évoluent au-dessus de 18 $/MMBTU, sous l’effet d’un appel de gaz régional et de capacités d’importation contraintes. La sensibilité aux aléas d’acheminement transfrontaliers augmente mécaniquement.
À l’inverse, les marchés dotés d’accès multiples au LNG et de capacités de regazéification disponibles montrent des niveaux proches de 11 $/MMBTU : Pays-Bas, Royaume-Uni, Belgique, France et Portugal. En Méditerranée et dans les Balkans, les prix observés en Grèce, Türkiye, Serbie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Bulgarie et Croatie s’établissent autour de ce palier, traduisant l’effet amortisseur des terminaux et des routes maritimes. La segmentation intra-européenne se renforce tant que la flexibilité logistique reste inégalement répartie.
Infrastructure, capacités et points de fragilité
L’Italie illustre un cas de contrainte spécifique : des terminaux proches de la saturation limitent l’appel marginal de cargaisons LNG malgré un signal prix élevé. Les écoulements d’Europe du Nord-Ouest vers le centre du continent butent sur des goulots d’étranglement, ce qui maintient des spreads significatifs. Les arbitrages via swaps et échanges virtuels (backhaul) atténuent partiellement la tension, sans compenser l’absence de molécules disponibles en proximité. La robustesse des prix dépend alors de la continuité opérationnelle des interconnexions.
La Hongrie demeure la plus exposée à une perturbation de ses points d’import transfrontaliers. En l’absence de flux russes et avant l’arrivée de gaz roumain de Neptun Deep, le bilan d’approvisionnement est sous-tendu par des réacheminements via Autriche et Slovaquie. Toute réduction sur ces axes amplifierait le déficit et le niveau des prix. La situation s’améliore dans un cadre 2028 grâce aux nouvelles sources régionales et à l’abondance relative du LNG mondial.