L’Australie, un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au monde par habitant, a adopté jeudi des lois sur le climat ciblant les plus gros pollueurs, qui forceront les mines, fonderies et raffineries à réduire leurs émissions d’environ 5% par an.
« C’est la première fois que la réduction des émissions de gaz à effet de serre est inscrite dans la loi australienne », a déclaré à l’AFP Tommy Wiedmann, expert en développement durable à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud. Ces lois s’appliquent à quelque 215 grandes installations industrielles – produisant chacune plus de 100.000 tonnes de gaz à effet de serre par an – et constituent l’épine dorsale de l’engagement pris par l’Australie de parvenir à des émissions nettes nulles d’ici à 2050.
En obligeant ces unités à réduire leurs émissions de 4,9% par an, le gouvernement du Premier ministre travailliste Anthony Albanese pense pouvoir empêcher le rejet de 200 millions de tonnes de carbone dans l’atmosphère au cours de la prochaine décennie. Les installations concernées, opérées notamment par les géants miniers BHP et Rio Tinto, produisent près de 30% des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble du pays, selon l’ONG australienne Climate Council.
« Ce que le Parlement a fait aujourd’hui, c’est sauver notre climat, sauver notre économie et sauver notre avenir », a considéré le ministre au Changement climatique, Chris Bowen, en saluant l’adoption de la loi devant les élus. Le gouvernement a estimé que ce plan mettait fin à une décennie de querelles politiques, qui ont fait échouer à plusieurs reprises les tentatives de lutte contre le changement climatique. Il est parvenu à un accord sur le mécanisme de sauvegarde après plusieurs semaines de négociations difficiles avec le parti écologiste des Verts. Ceux-ci ont finalement accepté de soutenir le plan carbone après avoir persuadé le gouvernement de fixer un plafond strict pour les émissions.
Catastrophes naturelles
La fin de l’inaction climatique australienne est « un pas dans la bonne direction » qui « marginalise les climato-sceptiques », juge Martin Brueckner, de la Murdoch University de Perth. Mais cette nouvelle législation « ne suffira pas à elle seule », prévient M. Wiedmann, selon qui « des décisions difficiles devront être prises dans les prochaines années ».
Le Conseil de l’industrie minière, représentant les industriels, a mis en garde contre le risque de « détérioration de l’économie nationale », et de voir disparaître « des dizaines de milliers d’emplois ». L’Australie (26 millions d’habitants) représente à elle seule plus de 1% des émission mondiales et figure au 14e rang des pays pollueurs, selon l’organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique CSIRO. Le secteur minier représente 14,6% de son PIB, selon sa banque centrale.
Elu l’an dernier, M. Albanese avait promis de mettre fin aux politiques en faveur des énergies fossiles mises en oeuvre selon lui par les conservateurs, au pouvoir pendant neuf ans. Longtemps à la traîne en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le pays a évolué après une série de catastrophes naturelles imputées au moins pour partie au changement climatique.
A l’été austral 2019-20, l’Australie avait vu des feux de brousse géants dévaster quelque huit millions d’hectares de végétation, tuant plus de 400 habitants. Le pays connaît également régulièrement des épisodes de blanchissement de sa barrière de corail. L’an passé une vingtaine de personnes avaient péri dans des inondations survenues sur la côte est.