L’Arménie accélère ses efforts pour renforcer sa sécurité énergétique en fondant une société publique chargée d’explorer et de piloter la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. Cette initiative vise à remplacer la centrale actuelle de Metsamor-2, dont la fin de vie est prévue pour 2036. Le projet s’inscrit dans un contexte où l’indépendance énergétique devient une priorité stratégique, notamment face aux défis géopolitiques régionaux.
La nouvelle entité a pour mission d’évaluer les propositions technologiques et de sélectionner les partenaires capables de fournir les meilleures solutions pour le réacteur envisagé. La diversification des fournisseurs, incluant des acteurs américains, français et sud-coréens, reflète un changement dans la politique énergétique arménienne, historiquement dominée par la technologie russe. Cette évolution est en partie motivée par la détérioration des relations entre Erevan et Moscou, exacerbée par le manque de soutien perçu lors du récent conflit dans le Karabakh.
Défis Financiers et Techniques
L’un des principaux obstacles à ce projet réside dans le financement. Le gouvernement arménien envisage de recourir à des emprunts d’État pour financer cette infrastructure stratégique, une méthode déjà utilisée par d’autres nations dans des projets similaires. La croissance économique soutenue de l’Arménie, estimée à 8,7 % en 2023, pourrait faciliter l’obtention de ces financements.
Sur le plan technique, l’intégration d’une nouvelle unité nucléaire au sein d’un réseau électrique national relativement modeste, avec une capacité installée de 4 GW, soulève des interrogations. Les coûts de production, particulièrement en ce qui concerne les petits réacteurs modulaires, sont également scrutés avec attention par les experts. Toutefois, le maintien de l’emploi dans le secteur nucléaire est un enjeu clé, le pays risquant de perdre une main-d’œuvre hautement qualifiée si la transition vers un nouveau réacteur n’est pas assurée.
Implications Géopolitiques et Sociales
L’adoption d’une nouvelle centrale nucléaire s’accompagne de considérations géopolitiques majeures. L’Arménie a tiré des leçons des blocages énergétiques passés, tels que ceux imposés par l’Azerbaïdjan et la Turquie dans les années 1990, qui ont mis en lumière la vulnérabilité du pays face aux interruptions des importations d’énergie. Dans ce contexte, le nucléaire offre une source d’énergie relativement indépendante, moins sujette aux fluctuations des approvisionnements extérieurs.
Le choix technologique pour ce nouveau réacteur est également un enjeu diplomatique. Bien que Rosatom reste un acteur clé en raison de l’infrastructure nucléaire déjà en place en Arménie, les discussions avancées avec d’autres fournisseurs reflètent une volonté de diversifier les partenariats et de réduire la dépendance vis-à-vis de la Russie. Cette approche pragmatique pourrait permettre à l’Arménie de renforcer sa position sur l’échiquier énergétique régional tout en assurant une continuité dans la production d’énergie.
En résumé, la création de cette société publique marque une étape décisive dans la stratégie énergétique arménienne. Les défis à venir sont nombreux, allant de la sécurisation des financements à la gestion des impacts sociaux, mais l’objectif reste clair : garantir une source d’énergie fiable et indépendante pour les décennies à venir.