L’Arabie Saoudite, pays largement dépendant de ses revenus pétroliers, a lancé sa première plateforme de marché de crédits carbone le 12 novembre lors de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP29) à Baku. Cette initiative est menée par la société saoudienne RVCMC (Regional Voluntary Carbon Market Company) dans le cadre de sa stratégie pour développer un marché volontaire du carbone.
RVCMC, contrôlée majoritairement par le Fonds d’investissement public (Public Investment Fund, PIF) de l’Arabie Saoudite, ambitionne de bâtir une infrastructure de marché qui permettra d’accélérer les flux financiers vers des projets climatiques essentiels. La PDG de RVCMC, Riham ElGizy, a souligné l’importance d’une infrastructure solide et intégrée pour faciliter la participation du secteur privé dans les échanges de crédits carbone. Cette approche s’inscrit dans le cadre du plan Vision 2030, un programme stratégique de diversification économique qui pousse le royaume à investir dans les énergies renouvelables tout en atteignant son objectif de neutralité carbone à l’horizon 2060.
Un marché régional en expansion
L’inauguration de cette plateforme coïncide avec une vente aux enchères de crédits carbone, impliquant 22 entreprises saoudiennes et internationales, avec une offre de 2,5 millions de crédits certifiés par des organismes reconnus tels que Verra, Gold Standard et Puro.earth. Les crédits carbone proviennent de projets à fort impact, localisés principalement dans les pays du Sud global, notamment le Bangladesh, le Brésil, l’Éthiopie, la Malaisie, le Pakistan et le Vietnam. Ce type de certification vise à garantir la qualité et l’intégrité des projets, éléments cruciaux pour la confiance dans les marchés de compensation carbone.
Un contexte mondial en mutation pour le carbone volontaire
Cette vente aux enchères marque la troisième organisée par RVCMC, après celles de Nairobi et Riyad en 2023, où 2,2 millions de tonnes de crédits carbone ont été échangées. Avec l’augmentation de la participation des pays du Moyen-Orient dans le marché du carbone, en particulier l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis, la région cherche à établir un pôle de marché du carbone. La société Intercontinental Exchange (ICE) a récemment annoncé son intention de collaborer avec des entreprises du Moyen-Orient pour développer ce marché.
Néanmoins, le marché volontaire du carbone traverse une période difficile en raison de critiques croissantes sur la qualité de certains projets de crédits. Ces préoccupations ont affecté la liquidité et fait chuter le prix des compensations. Afin de restaurer la confiance, de nouvelles initiatives en matière d’intégrité sont en cours de développement.
Valorisation des crédits carbone par Commodity Insights
Les crédits carbone varient largement en fonction de leur provenance et de leur impact. Les données de Platts, un service de S&P Global Commodity Insights, indiquent une forte variabilité dans les valeurs des crédits : ceux éligibles au CORSIA (Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation) s’évaluent à 16,75 $ par tonne de CO2 équivalent, tandis que les crédits liés à des dispositifs ménagers et à la capture technologique de carbone atteignent respectivement 3,85 $ et 125 $ par tonne. Cette hétérogénéité reflète les différents types de bénéfices environnementaux et sociaux associés aux projets de crédits carbone.
Enjeux pour le développement des marchés de crédits carbone
En lançant cette bourse de crédits carbone, l’Arabie Saoudite renforce son engagement envers la transition énergétique et la décarbonation, tout en cherchant à s’imposer comme un acteur majeur du marché du carbone. Le succès de cette initiative dépendra de la capacité de l’Arabie Saoudite à attirer des investisseurs et à maintenir des standards élevés pour les projets financés par le biais de crédits carbone, contribuant ainsi à combler le déficit de financement climatique à l’échelle mondiale.