Le charbon est aujourd’hui à l’origine de 36,5% de la production mondiale d’électricité. C’est donc la 1ère source d’énergie au monde. Entre 2009 et 2019, sa consommation gagnait 1% chaque année. Mais l’avenir du combustible fossile est compromis, notamment en raison de sa haute teneur en carbone.
Alors que de plus en plus d’acteurs publics comme privés le renient, sa fin est-elle proche ? La place du combustible dans les systèmes énergétiques des dix années passées pourrait fournir des indications sur son avenir.
Le charbon : étudier son passé pour prédire son futur
Les années 2000 ont acté l’essor du charbon, enregistrant une progression de la demande sans précédent. Pourtant, la demande du combustible en 2019 ne rivalisait pas avec celle de 2013. Son apport dans la production d’électricité est passé de 40% à 36,5% au cours de la décennie. Globalement, la demande n’a pas atteint les niveaux attendus.
La concurrence du gaz naturel et du renouvelable
D’un côté, le gaz naturel a émergé de la révolution du schiste américain comme un concurrent. Ses prix bas lui ont permis de remplacer le charbon dans le mix énergétique américain, mais aussi européen. Ainsi, la part du combustible dans le mix électrique de l’UE a diminué de moitié en dix ans.
L’éolien et le solaire ont davantage occulté la roche carbonée, bénéficiant d’un fort soutien politique et de prix compétitifs. L’AIE s’attend à ce que ces énergies deviennent les « nouveaux rois » des marchés d’électricité mondiaux, détrônant le combustible.
Les politiques climatiques étatiques
Contrairement à la décevante COP15 de 2009, la COP21 a donné de l’élan aux politiques climatiques, incitant aux objectifs ambitieux. Les investisseurs poussent les entreprises à réduire leur consommation d’énergies fossiles, comme BlackRock, qui n’investira plus dans celles-ci d’ici à 2040. De même, les pays du G20 ont affirmé leur ambition de neutralité carbone d’ici le milieu du siècle.
Ces dix dernières années ont donc marqué une volonté croissante des acteurs occidentaux publics comme privés de sortir du charbon. Néanmoins, une région semble toujours lui faire la part belle : l’Asie.
Déclin en occident, maintien et Chine et croissance en Asie
Aujourd’hui, les producteurs asiatiques ont remplacé leurs homologues américains à la tête de l’industrie. L’avenir de la roche est désormais dans les mains de ces pays.
La roche sédimentaire reste la première source d’énergie des centrales électriques du continent. 80% des projets au charbon, dont 600 nouvelles centrales, sont menés par quelques pays asiatiques.
L’Asie-Pacifique représente 75% de la consommation mondiale, contre 58% en 2009. Selon Wood Mackenzie, l’usage du combustible devrait culminer en 2027, jusqu’à représenter 36% du mix énergétique régional en 2040. En Inde par exemple, cette ressource fournit deux tiers de l’électricité, dont la consommation est vouée à augmenter.
Une mainmise accrue de la Chine
La Chine reste incontestablement la première puissance charbonnière. Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), le combustible continuera d’assurer 30% de sa production d’électricité en 2050. Pour cause, Pékin considère cette ressource comme un stabilisateur social, notamment dans les provinces sinistrées du nord-est.
La roche sert également de levier diplomatique pour la Chine, qui vient d’imposer un embargo sur le charbon australien. Elle cherche à diminuer ses importations énergétiques pour pouvoir exporter ensuite. Cette stratégie contribue à la pérennité économique de la Chine comme à celle du charbon.
Énergie essentielle aux besoins énergétiques asiatiques
La demande d’électricité dans le sud-est asiatique s’est accrue de 6% par an ces deux dernières décennies. Le charbon est pour l’heure la seule ressource capable de répondre à une croissance économique et une consommation exponentielles. Ni les EnR, ni le gaz ne sont viables pour produire de l’électricité en quantité suffisante.
Malgré des émissions de CO2 conséquentes, le combustible permet de combler l’intermittence des renouvelables. De plus, ces derniers sont moins compétitifs dû à une topographie régionale peu favorable à leur installation. Dans les États insulaires comme l’Indonésie, le charbon présente l’avantage d’être facilement transportable d’une île à l’autre.
Réinventer la 1ère source électrique au monde
Un nouveau type de charbon, le charbon vert, pourrait cependant constituer une alternative à son homologue riche en carbone. Contrairement à la formation du charbon de terre qui nécessite plusieurs millions d’années, sa production est relativement flexible. Les déchets organiques qui le composent permettent également d’éviter la déforestation nécessaire à la production du charbon de bois.
Le charbon et son alternative verte, tous deux issus de matières organiques, présentent un pouvoir calorifique similaire. Mais la combustion de la variante émet moins de gaz à effet de serre que la combustion du charbon classique. Certaines firmes, comme EDF, ont déjà tenté de convertir une centrale thermique au charbon vert.
Repenser les centrales
Pour faire face aux défis climatiques, les centrales à charbon devront subir une modernisation ou une reconversion. L’introduction de systèmes de désulfuration et de dénitrification pourrait être une solution. Alternativement, des centrales électriques « supercritiques », plus rentables et moins polluantes, pourraient voir le jour.
Les centrales à co-combustion semblent également efficaces, comme la centrale EDF de Cordemais en Loire-Atlantique. Elles utilisent l’alternative verte évoquée précédemment.
En outre, il est possible de reconvertir les centrales thermiques en centres de stockage d’énergie. Siemens Gamesa a par exemple lancé la technologie ETES (Electric Thermal Energy Storage), qui utilise des « batteries Carnot ». Il s’agit d’absorber l’électricité excédentaire, la transformer en chaleur que l’on stocke puis extrait pour alimenter les générateurs et turbines.
Ces innovations pourraient offrir une seconde vie aux centrales thermiques, tout en conservant une place pour le combustible fossile.
Une place pour le charbon dans la transition énergétique ?
La production mondiale du charbon au cours des dix dernières années reflète donc l’avenir de cette ressource. Si le combustible tel que l’humanité l’a connu depuis la révolution industrielle fléchit en Occident, il progresse toujours en Asie. Néanmoins, son déclin n’est pas encore scellé, puisque des technologies émergentes pourraient remettre le charbon au goût du jour. Notamment celles relatives à la capture et au stockage du carbone dites CCUS.