L’ammoniac vert pourrait faciliter la transition énergétique en tant que carburant décarboné ou comme vecteur énergétique. Mais son prix élevé reste pour l’instant le plus grand obstacle à sa commercialisation à grande échelle.
L’ammoniac vert, un coût encore trop élevé
Certaines difficultés ont été soulignées par une nouvelle série de prix lancée par Argus, spécialiste du marché des matières premières. Elle montre que les coûts de l’ammoniac vert sont plus de deux fois supérieurs à ceux de l’ammoniac conventionnel. Mais certaines dispositions pourront être prises pour que l’ammoniac décarboné remplace progressivement l’ammoniac gris, dérivé des combustibles fossiles.
1200$ la tonne
Argus a modélisé un prix hebdomadaire pour l’ammoniac vert livré au nord-ouest de l’Europe. Ce modèle donne actuellement une valeur théorique de 1196$/t, plus du double de l’alternative grise conventionnelle. Dans les domaines où l’ammoniac vert représente un substitut prometteur, le contraste est encore plus spectaculaire.
Ainsi il est environ quatre fois plus cher que les carburants marins à base de combustibles fossiles. Adrian Binks, président et directeur général d’Argus Media, a déclaré :
« Nous sommes heureux d’avoir construit un prix pour l’ammoniac vert à ce stade précoce de son développement sur le marché. L’ammoniac vert jouera un rôle clé dans la transition énergétique. La transparence supplémentaire créée par notre prix aidera le marché à se développer efficacement. »
Utiliser l’hydrogène pour produire de l’ammoniac décarboné
Les entreprises et les consommateurs d’énergie s’intéressent de plus en plus à l’ammoniac. En effet, c’est l’un des moyens les plus stables de transporter l’hydrogène, le combustible le plus propre sur le marché. Sa combustion ne produit que de l’eau comme sous-produit.
Cependant, l’ammoniac ordinaire (gris) est principalement produit à partir de gaz naturel. Le processus émet du CO2, ce qui annule l’idée d’utiliser le produit obtenu comme énergie à faible teneur en carbone. Par conséquent, l’ammoniac gris est utilisé à 80% comme engrais, le reste étant consommé dans divers processus industriels.
L’ammoniac non décarboné consomme 5% du gaz naturel produit dans le monde
Aujourd’hui, la fabrication de l’ammoniac nécessite environ 5% de la consommation mondiale de gaz naturel. Pour décarboner totalement cette industrie, il n’existe qu’une seule alternative techniquement envisageable. Il s’agit d’utiliser de l’hydrogène propre pour fabriquer de l’ammoniac vert.
En effet, l’ammoniac décarboné est créé par électrolyse, en faisant passer de l’électricité renouvelable dans de l’eau. Son empreinte carbone est ainsi essentiellement nulle. L’énergie stockée peut être extraite par combustion directe ou par la technologie des piles à combustible.
Le futur carburant pour le transport maritime
Les utilisations potentielles de l’ammoniac vert sont multiples, mais les plus prometteuses sont les carburants marins et la production d’électricité. Par exemple, l’Organisation maritime internationale exige que les navires réduisent leurs émissions de CO2. L’objectif est de les réduire de 40% d’ici à 2030 et de 70 % d’ici à 2050.
En théorie, l’ammoniac vert permettrait au monde maritime d’atteindre ces objectifs d’un seul coup. En effet, l’ammoniac serait idéal pour faire fonctionner les moteurs des grands navires. Il a une densité énergétique neuf fois supérieure à celle des batteries lithium-ion. Et trois fois supérieure à celle de l’hydrogène gazeux compressé.
Une telle transition nécessiterait le développement de moteurs de navires viables fonctionnant à l’ammoniac. Des systèmes de ravitaillement en carburant à base d’ammoniac devraient également être développés. Or, ces projets n’en sont actuellement qu’au stade de prototype.
Un vecteur énergétique pour les énergies renouvelables
Entre-temps, certains pays, en particulier le Japon, poursuivent l’idée de l’ammoniac vert dans la production d’électricité. L’ammoniac étant un vecteur de transport stable pour l’hydrogène, facilitant le transport d’électricité sur de longues distances. Par ailleurs, plusieurs pays asiatiques et européens investissent également plusieurs milliards pour créer des filières de production d’hydrogène vert. L’ammoniac vert suivra forcément.
Réduction des coûts et subventions étatiques d’ici à 2030
Malgré son prix élevé, le rapport d’Argus affirme que l’ammoniac vert sera l’élément clé dans l’abandon des combustibles fossiles. L’analyse prévoit une réduction significative des coûts de production. Et ce, à mesure que la technologie se développe et que les projets augmentent en taille et en nombre.
Cela permettra de garantir que l’ammoniac vert puisse prospérer et jouer son rôle clé dans la transition énergétique. D’ici là, une combinaison d’incitations et de réglementations gouvernementales seront sans doute nécessaires. À l’image du développement de l’éolien et du solaire, dont les coûts ont chuté de 80% ces dernières années.
Si l’industrie prend des initiatives pour fabriquer de l’ammoniac vert et le rendre économiquement viable, les subventions massives suivront. Bloomberg les estime à 150 milliards de dollars d’ici à 2030.