L’Allemagne lance un projet de loi visant à garantir des niveaux minimums de stockage de gaz dans le pays. Par ailleurs, les installations souterraines allemandes représentent un quart de la capacité de stockage totale de l’Union européenne. Cette loi entrera en vigueur le 1er mai, après approbation du Parlement.
L’Allemagne souhaite garantir un niveau minimum de stockage de gaz
La plus grande économie d’Europe souhaite réduire sa vulnérabilité face à l’ampleur et la rapidité des flux de gaz russe au cours des trois prochaines années.
Ainsi, cette loi fixe des exigences minimales en matière de capacité. Le but étant de créer un réservoir avant la prochaine saison de chauffage, qui débute en octobre. Cette action intervient avant que l’Union européenne ne prenne des mesures concernant la sécurité d’approvisionnement énergétique des États membres. Ces initiatives répondent directement à la hausse des prix à la suite du conflit en Ukraine.
Le secteur du gaz était autrefois entièrement libéralisé et contrôlé par l’État. Désormais, il doit veiller à ce que les cavernes souterraines soient remplies à 80 % avant le 1er octobre, date du début de la saison hivernale. Puis, les réserves doivent atteindre les 90 % avant le 1er novembre, et retomber à 40 % avant le 1er février.
Les niveaux de stockage sont tombés à 24 % au début du mois de mars après un ralentissement des opérations. La baisse est contre-intuitive en raison des prix élevés. Cette situation est due à Astora, membre de Gazprom Germania, qui a réduit sa part. L’entreprise est une société de holding russe spécialisée dans les infrastructures et le commerce du gaz, placée depuis sous tutelle de l’Allemagne.
Cependant, ces dernières semaines, le remplissage s’est accéléré pour atteindre 32 %, soit sept points de plus qu’il y a un an. Ces stocks s’expliquent par les prix records attirant davantage de GNL en Europe et diminuant la consommation.
Les options d’achat à long terme
Pour acheter du gaz, le ministère de l’Économie, le régulateur national de l’énergie et l’opérateur de la zone gazière THE utiliseront les long-term buying options (LTOs). Ces derniers sont initialement destinés à aider à équilibrer la pression des gazoducs.
Ainsi, ces LTOs ont permis d’augmenter les niveaux de stockage en décembre, janvier et février. De plus, l’opérateur de la zone gazière THE se charge de lancer d’autres appels d’offres spéciaux. Si nécessaire, il peut également acheter lui-même du gaz et des espaces de stockage.
Contrôler les exploitants des stocks et surveiller les marchés allemands
Les propriétaires et les exploitants des installations de stockage, comme RWE Gas Storage West, pourront désormais faire l’objet d’une supervision extérieure. Les injections et les retraits, auparavant dictés principalement par les clients des opérateurs, s’effectueront par des organismes du secteur public extérieurs au marché.
Par exemple, Robert Habeck, le ministre de l’Économie, a autorisé THE à acheter du GNL pour 1,5 milliard d’euros. Cette action permet de compléter l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne par gazoduc en provenance de pays comme la Norvège.
Les mesures de stockage s’accompagneront d’une surveillance étroite du marché. Un plan d’urgence à plusieurs niveaux est prévu en cas de chute brutale ou d’arrêt de l’approvisionnement.
Si les opérateurs de stockage constatent que les utilisateurs n’ont pas l’intention de reconstituer leurs stocks, ils informeront les autorités et feront de la place pour que THE puisse commander leur remplissage.
Par ailleurs, les opérateurs seront rémunérés en fonction des coûts historiques moyens pour la mise à disposition de l’espace.
Dans le cas où la constitution de stocks à des fins de sécurité serait souhaitable, il faut éviter la thésaurisation à des fins de spéculation sur les prix. Un ensemble de directives, d’interdictions et d’amendes garantiront le remplissage.
Néanmoins, l’expropriation des infrastructures et des actifs gaziers critiques ne ferait pas partie des discussions sur la sécurité énergétique.
Une loi critiquée par les opérateurs de stockage
Le groupe allemand d’opérateurs de stockage INES déclare que l’ensemble des règles entraînera des « risques financiers, juridiques et opérationnels ». En somme, il qualifie la loi de stricte et de grande portée.
Aussi, l’association des services publics BDEW déclare que la loi a pu se concentrer sur les opérateurs individuels ayant un comportement irrégulier plutôt que de mettre en œuvre des changements radicaux à tous les niveaux.
Gabriele Haas, spécialiste de l’énergie au cabinet d’avocats Dentons, indique :
« La loi sur le stockage du gaz inverse l’approche basée sur le marché et, pour des raisons de sécurité d’approvisionnement, permet des possibilités d’intervention massive. »
Il ajoute :
« Les contrats actuels restent globalement en place, mais il existe certaines obligations pour les adapter au nouveau régime. »
L’entreprise Uniper souhaite rapidement clarifier la mise en œuvre du projet de loi. En outre, il est nécessaire de préserver les investissements et de déterminer comment la charge de la nouvelle réglementation se répartira de manière appropriée entre les acteurs du marché et le secteur public.
Selon INES, les opérateurs d’infrastructure assumant des rôles sur le marché, tels que l’achat et la distribution de produits de base, peuvent modifier la configuration d’un marché libéralisé. De telle sorte que la valeur des contrats s’en trouve réduite et la participation découragée.
En résumé, le succès du remplissage des cavernes de stockage n’est pas garanti. Il est nécessaire de voir si les volumes de gaz peuvent arriver en Allemagne malgré les appels d’offres.