Berlin envisage de bloquer jusqu’en 2030 les prix de l’électricité pour les industries les plus énergivores frappées par la hausse des coûts, en subventionnant leurs dépenses, selon un projet dévoilé vendredi mais qui est loin de faire l’unanimité.
Ce bouclier tarifaire doit bloquer « à 6 centimes par kWh » près de « 80% de l’électricité » des entreprises « les plus intensives en énergie, évoluant à l’international », selon un document de travail du ministère de l’Economie et du Climat. Ce dispositif vise à « préserver la compétitivité » de secteurs cruciaux pour la première économie européenne, comme la chimie, le papier, le verre, l’acier, menacés de délocalisation en raison de la hausse des prix de l’énergie, selon le ministère. « Les prix de l’électricité baissent, mais ils resteront dans les prochaines années le double ou le triple de leur niveau d’avant la guerre en Ukraine », a justifié le ministre écologiste de l’Economie Robert Habeck face à la presse.
L’Allemagne est d’autant plus touchée par la hausse des prix de l’énergie dans le sillage de la guerre en Ukraine qu’une partie de son modèle économique reposait sur des livraisons de gaz russe bon marché qui ont pris fin avec le conflit. Le gouvernement d’Olaf Scholz a mis en place l’an dernier un bouclier tarifaire sur les prix de l’énergie pour les particuliers et les entreprises censé s’appliquer jusqu’à mi 2024. Ce « bazooka » énergétique de 200 milliards d’euros lui avait valu des critiques de certains partenaires européens déplorant une concurrence déloyale.
Le nouveau dispositif doit offrir aux secteurs industriels les plus menacés une période de stabilité au moment où la transition énergétique exige d’eux des investissements massifs pour décarboner leur activité, a défendu M. Habeck. Son projet fait déjà l’objet de critiques au sein même du gouvernement. Le ministre libéral des Finances Christian Lindner a estimé cette semaine que l’idée n’était « pas intelligente » et s’est inquiété de « subventions très onéreuses ». « L’économie ne devait pas se reposer dans la durée sur des subventions », a de son côté déclaré le chancelier Olaf Scholz, social-démocrate.
L’ensemble du dispositif devrait coûter entre « 25 et 30 milliards d’euros », selon les calculs du ministère de l’Economie, qui propose de piocher dans le fonds de 200 milliards d’euros débloqué l’an dernier. L’actuel bouclier tarifaire bloque à 13 centimes les prix de l’électricité pour les entreprises, soit deux fois plus que le projet envisagé par le ministère. Le prix de l’électricité pour les clients non résidentiels s’est établi en moyenne à 18 centimes par kWh sans taxe au second semestre 2022, contre moins de 10 centimes avant 2021, selon l’agence de statistique Destatis.