Abdelmadjid Tebboune a été réélu président de l’Algérie avec une majorité de 95 % des voix lors des élections de 2024, avec un taux de participation de 48 %, en hausse par rapport aux 39,83 % de 2019. Ce faible taux de participation, bien qu’amélioré, indique une désaffection persistante du corps électoral et suscite des interrogations sur la légitimité du mandat. Tebboune s’engage à poursuivre sa stratégie énergétique centrée sur les hydrocarbures tout en investissant dans le nucléaire et les énergies renouvelables. Cependant, ces orientations stratégiques, bien que nécessaires, présentent des défis économiques et géopolitiques.
Focus sur les Hydrocarbures : Avantages et Limites
Les hydrocarbures restent au cœur de la stratégie économique de Tebboune, représentant 95 % des recettes en devises de l’Algérie et environ 60 % du budget national. En 2023, l’Algérie a produit 100 milliards de mètres cubes de gaz naturel et prévoit d’atteindre 110 milliards de mètres cubes d’ici 2025 grâce à des investissements massifs dans l’exploration et la production, notamment avec Sonatrach, l’entreprise nationale des hydrocarbures. L’augmentation des exportations vers l’Europe, représentant environ 30 % des besoins européens en gaz naturel, a profité de la perturbation des marchés énergétiques après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Cependant, cette dépendance aux hydrocarbures expose l’Algérie aux fluctuations des prix mondiaux. L’évolution vers une décarbonation de l’économie en Europe pourrait également réduire la demande à moyen et long terme, mettant en péril les prévisions économiques de l’Algérie. Le risque de surproduction de gaz est bien réel si la demande mondiale ne suit pas les augmentations de capacité prévues.
Partenariats Stratégique avec la Russie : Opportunités et Dépendance
Le partenariat énergétique avec la Russie s’est intensifié sous la présidence de Tebboune. En juin 2023, une déclaration de « partenariat stratégique profond » a été signée entre Tebboune et Vladimir Poutine, visant à renforcer la coopération dans le secteur énergétique, en particulier le nucléaire. Rosatom, le géant russe du nucléaire, a signé un protocole d’accord avec l’Algérie pour le développement de réacteurs nucléaires de recherche et d’énergie, avec une feuille de route conjointe pour 2024-2025. Ces réacteurs, incluant les modèles VVER-1200 de troisième génération, sont prévus pour être conformes aux normes post-Fukushima, garantissant un niveau élevé de sécurité.
Bien que ces accords puissent offrir des avantages technologiques et économiques à court terme, ils créent également une dépendance accrue vis-à-vis de la Russie. Compte tenu des sanctions internationales et des tensions géopolitiques, cette dépendance pourrait limiter la flexibilité stratégique de l’Algérie et la rendre vulnérable aux dynamiques de pouvoir régionales.
Coopération avec l’Italie et Modernisation des Infrastructures de Gaz
L’Algérie a également consolidé ses relations avec l’Italie, un autre acteur clé du secteur énergétique. En 2024, Sonatrach a signé plusieurs accords avec ENI pour l’exploration et l’augmentation de la production de gaz naturel. Ces accords comprennent des projets de modernisation des pipelines et de développement de nouveaux gisements, avec un accent sur l’amélioration des infrastructures existantes pour sécuriser l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Le développement des capacités de production vise à répondre aux besoins immédiats du marché européen, en proie à une crise énergétique suite à la guerre en Ukraine.
Cependant, le coût de ces projets est substantiel. La modernisation et l’extension des pipelines, en plus des coûts d’exploration, représentent un engagement financier considérable dont les retours dépendent fortement des prix du marché du gaz naturel et de la demande européenne.
Accélération des Investissements Solaires : Un Défi Ambitieux
Pour diversifier son mix énergétique, l’Algérie s’est engagée à développer significativement ses capacités en énergies renouvelables. En 2024, Sonelgaz, la société d’État de distribution d’électricité et de gaz, a attribué 19 contrats pour la construction de 20 centrales solaires d’une capacité totale de 3 GW. Ces projets comprennent un programme de 2 GW avec 15 centrales et un autre de 1 GW pour 5 centrales supplémentaires. D’ici 2035, l’Algérie vise une capacité de 15 000 MW d’énergies renouvelables, soit 37 % de sa capacité installée et 27 % de sa consommation nationale d’électricité à partir de sources renouvelables d’ici 2030.
Cependant, malgré ces objectifs ambitieux, la capacité actuelle installée n’est que de 423 MW, révélant un écart énorme à combler. Les coûts de développement des projets solaires sont estimés à plusieurs milliards de dollars, nécessitant des investissements étrangers massifs et des réformes pour attirer des capitaux. Le financement reste un obstacle majeur, tout comme la nécessité d’un cadre réglementaire stable et transparent.
Objectifs pour la COP 29 : Réductions des Émissions et Opportunités de Financement
Dans le cadre de la COP 29, l’Algérie a réaffirmé son engagement à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 7 % d’ici 2030 par rapport à un scénario de statu quo, avec une ambition d’atteindre 22 % avec un soutien international en termes de financement et de transfert de technologies. Ce plan comprend le développement d’un cadre national pour attirer les producteurs indépendants d’énergie et la promotion des projets à grande échelle de production d’énergie renouvelable. L’atteinte de ces objectifs nécessitera non seulement une coordination nationale mais également des partenariats internationaux solides pour le financement et le partage de technologies.
Analyse Critique : Un Modèle Économique Durable ?
La réélection de Tebboune et la poursuite de sa stratégie énergétique posent plusieurs questions critiques sur la durabilité économique de l’Algérie. Alors que les hydrocarbures fournissent un socle économique vital, la dépendance excessive à ces revenus expose le pays à des chocs externes et à des fluctuations imprévisibles du marché. De plus, l’accent mis sur le partenariat avec la Russie, bien qu’il puisse être bénéfique à court terme, crée des risques à long terme, surtout en période de sanctions économiques et de tensions géopolitiques.
Les objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables sont nécessaires pour diversifier le mix énergétique de l’Algérie, mais ils nécessitent des réformes structurelles profondes et un cadre d’investissement transparent pour réussir. Sans ces changements, le pays risque de manquer l’opportunité de tirer parti de la transition énergétique mondiale.
Le second mandat de Tebboune sera déterminant pour l’avenir énergétique de l’Algérie. En maintenant des partenariats stratégiques avec la Russie et l’Italie et en investissant dans les énergies renouvelables, l’Algérie tente de naviguer entre stabilité économique et adaptation aux nouvelles réalités énergétiques mondiales. Cependant, pour que ces efforts soient couronnés de succès, des réformes internes substantielles et une vision claire à long terme seront cruciales pour éviter les pièges de la dépendance et pour garantir une croissance durable.