Le procès de Marc Cherqui, ancien directeur fiscal du groupe parapétrolier français Bourbon, a mis en lumière les complexités d’une affaire de corruption touchant des agents publics en Afrique. Ce jeudi, les plaidoiries de la défense ont présenté deux versions diamétralement opposées du rôle de Cherqui, oscillant entre un courageux dénonciateur et un manipulateur opportuniste. Cette affaire, embarrassant une entreprise opérant dans quarante pays, a débuté en 2012 lorsque Cherqui a été arrêté à l’aéroport de Marseille avec 250 000 dollars dans sa valise, de retour d’une mission au Nigeria où Bourbon subissait un contrôle fiscal.
Les faits dévoilés
Marc Cherqui a dénoncé les pratiques de corruption au sein de Bourbon, révélant par ses mails le versement de 2,7 millions de dollars de pots-de-vin à des fonctionnaires nigérians. Le procureur Jean-Yves Lourgouilloux a requis des peines de prison, notamment contre trois membres de l’exécutif de Bourbon, dont Gaël Bodénès, actuel numéro 1 du groupe. Selon la défense de Cherqui, il n’était ni l’initiateur de la corruption ni le négociateur des paiements. Les 250 000 dollars trouvés sur lui seraient une prime pour avoir réduit un redressement fiscal de 227 millions de dollars à 4,1 millions.
La défense de Cherqui
L’avocat de Cherqui, Me Gaëtan Di Marino, a décrit son client comme un soldat sans marge de manœuvre, victime d’une « mort sociale » suite à son licenciement et à son impossibilité de retrouver un emploi. Di Marino a souligné que Cherqui a été puni pour avoir collaboré avec la justice, en dénonçant des pratiques de corruption profondément enracinées. Selon lui, éliminer le message a conduit à tuer le messager.
« Marc Cherqui est un soldat sans marge de manoeuvre qui n’est ni l’initiateur du recours à la corruption, ni le négociateur des paiements imposés par les contrôleurs »
L’accusation contre Cherqui
En revanche, Me Philippe Goossens, avocat d’un des dirigeants de Bourbon, a présenté Cherqui comme un « pompier pyromane », suggérant qu’il a divulgué des informations au fisc nigérian. Les avocats des dirigeants de Bourbon ont également réclamé la relaxe, attaquant la crédibilité de Cherqui en raison de ses versions changeantes des événements. Me Patrick Maisonneuve, défenseur de Gaël Bodénès, a affirmé que Cherqui accuse sa hiérarchie pour minimiser sa propre responsabilité.
Les répercussions pour Bourbon
Les peines requises comprennent deux ans de prison, dont un an avec sursis, et une amende de 100 000 euros contre Gaël Bodénès. Ce procès met en lumière les défis de la lutte contre la corruption dans les entreprises opérant à l’international, où les pressions locales peuvent compliquer le respect des normes éthiques. La complexité de cette affaire souligne l’importance d’une gouvernance transparente et de mécanismes robustes pour prévenir la corruption.
L’affaire Bourbon illustre les tensions entre dénonciation et responsabilité au sein des grandes entreprises. Marc Cherqui se trouve au centre de ce débat, oscillant entre le rôle de dénonciateur courageux et celui de manipulateur. Les décisions judiciaires à venir seront cruciales pour établir la vérité et orienter les futures pratiques de gouvernance d’entreprise dans des contextes internationaux complexes.