ADNOC projette de construire une nouvelle usine de GNL dans l’est des Émirats arabes unis. Cela pourrait stimuler l’importance du port de Fujairah en tant que hub énergétique dans la région.
ADNOC prévoit une nouvelle usine de GNL
Actuellement en conception, la nouvelle usine émiratie de GNL pourrait atteindre 9,6 millions de tonnes de capacité par an. Le projet devrait être achevé entre 2026 et 2028, trop tard pour répondre à la pénurie actuelle. Les analystes lui confèrent néanmoins du potentiel si le marché se maintenait malgré les prix et les réglementations environnementales européennes.
Fujairah, qui est déjà la troisième plate-forme de soudage pétrolier au monde, espère bénéficier de ce projet. L’installation comprendra deux trains de 4,8 millions de tonnes par an. ADNOC atteindrait ainsi une capacité de production de GNL de 15,6 millions de tonnes par an, rivalisant le Qatar.
Des pourparlers sont en cours avec d’éventuels actionnaires
ADNOC, qui a refusé de commenter le projet, possède une participation de 70% dans la coentreprise ADNOC LNG. Cette dernière détient une capacité de production de 6 millions de tonnes par an à Das Island. Les autres actionnaires en sont Mitsui & Co. (15%), BP (10%) et Total (5%).
Ces derniers seraient actuellement en pourparlers avec ADNOC pour prendre part au projet d’usine à Fujairah. Selon son PDG, la société japonaise INPEX a l’intention d’envisager une participation.
Le GNL, nerf de la concurrence européo-asiatique
Le projet intervient dans le contexte de pénurie de GNL, alors que l’Europe et l’Asie se disputent les cargaisons. Ainsi, le prix spot du GNL JKM pour livraison en Asie du Nord-Est a atteint un record de 84,76$/MBtu en mars. Platts l’a évalué pour la dernière fois à 41,65$/MBtu le 4 juillet.
Traditionnellement, ADNOC envoyait son GNL en Asie : jusqu’en 2018, environ 90% de ses volumes partaient au Japon. Depuis, le groupe a cherché à diversifier sa clientèle en signant des contrats pluriannuels. Le virage vers l’Europe dépendra de plusieurs facteurs, notamment de la capacité à verrouiller des contrats à long-terme.
Ainsi, Jonathan Stern, chargé de recherche à l’Oxford Institute for Energy Studies, commente:
« [La destination du GNL] dépendra des parties qui voudront signer des contrats pour le GNL (très probablement l’Asie), de l’état du marché mondial du GNL et des prix lorsque l’usine entrera en service. »
Il ajoute néanmoins:
« Il sera difficile pour les entreprises européennes de prendre des engagements à long terme en raison de leurs objectifs en matière d’émissions. »
Rien n’est fait pour l’Europe
ADNOC LNG a envoyé des volumes en Europe pour la dernière fois en 2009. Selon Platts Analytics, aucun de ses clients à terme n’a envoyé de cargaison en Europe malgré les prix spot lucratifs du GNL. Néanmoins, l’Europe pourrait devenir une destination plus attrayante à mesure que la demande asiatique se heurte aux prix élevés.
Ainsi, Robin Mills, PDG de Qamar Energy, déclare:
« La nécessité pour l’Europe de remplacer plus de 160 milliards de mètres cubes de gaz russe va créer un besoin énorme de GNL supplémentaire à moyen terme. Les vendeurs peuvent choisir leurs conditions pour le moment et les acheteurs réalisent le danger d’une exposition à des prix spot volatils et potentiellement très élevés. La question est de savoir ce que signifie ‘long terme’ pour les acheteurs européens compte tenu de leurs objectifs de décarbonation, 10 ans ou plus ? »
La demande asiatique se heurte aux prix
De plus, selon les données de Kpler, l’Inde est le premier client de GNL des Émirats arabes unis depuis 2019. Or, Platts Analytics a révisé ses prévisions de demande de GNL indien à la baisse. Elle pourrait ainsi diminuer de près de 10 milliards de m3/j en moyenne de 2022 à 2025.
Dans un rapport du 29 avril, Platts Analytics déclare:
« L’Asie du Sud, autrefois considérée comme l’un des principaux moteurs de la demande mondiale à moyen terme, pourrait décevoir dans un contexte de prix spot élevés persistants et de couverture limitée par des contrats à long terme. »
Un projet attendu par ADNOC et Fujairah
L’expansion de la capacité GNL d’ADNOC intervient également alors la capacité de production de pétrole émiratie augmente. Celle-ci passera des 4 millions b/j actuels à 5 millions b/j d’ici 2030, permettant d’augmenter le gaz associé. En décembre, ADNOC avait annoncé une augmentation des réserves nationales de gaz de 16 Tcf, soit 289 Tcf au total.
Par ailleurs, la localisation de Fujairah représente une valeur ajoutée pour ADNOC étant donné les installations vieillissantes de l’île de Das. Fujairah étant située en dehors du problématique détroit d’Ormuz, son risque géopolitique est également réduit.
M. Stern commente:
« Pour les Émirats arabes unis, ce projet est très important et pourrait remplacer l’usine de Das Island à l’avenir, car cette usine est maintenant très vieille et date de la fin des années 1970. »
De plus, Fujairah pourra profiter du nombre croissant de méthaniers qui font escale dans le port. D’après le capitaine Mousa Murad, directeur général du port, celui-ci envisage d’ajouter des services de soudage de GNL à Faijarah.
Il conclut:
« Fujairah peut également bénéficier du fait que le gaz disponible attirera les entreprises industrielles qui utiliseront le gaz au lieu, par exemple, du diesel pour mettre en place des projets. »