L’accord gazier prévu entre l’Égypte et Israël va permettre d’avancer le projet commun de créer un hub énergétique vers l’Europe.
La prospection et l’exploitation du gaz sont des enjeux géopolitiques majeurs en mer Méditerranée orientale. Deux axes s’affrontent, d’un côté celui israélo-égyptien soutenu par la Grèce et la République de Chypre. De l’autre, l’axe turc soutenu par la Russie. 2 stratégies, 1 seule mer.
Accord gazier israëlo-égyptien : un futur hub énergétique vers l’Europe
Cet accord gazier prévoit la mise en place d’un gazoduc offshore. Il permettra d’acheminer le gaz naturel israélien du Léviathan aux infrastructures égyptiennes.
Depuis plusieurs années, les deux pays coopèrent sur des dossiers énergétiques. En 2019, ils se sont mis d’accord pour qu’Israël fournissent du gaz à l’Égypte pendant 15 ans. 85 milliards de m3 seront ainsi livrés à partir de 2020.
Pendant longtemps, l’État hébreu dépendait de l’Égypte pour son approvisionnement en gaz. Mais depuis la découverte des gisements Tamar en 2009 (318 km3) et Léviathan en 2010 (605 km3), son statut évolue. Il est désormais un pays exportateur.
De son côté, malgré une baisse de ses exportations entre 2000-2013, l’Égypte a repris une place importante. Elle s’appuie alors sur son gisement de Zohr (850 km3).
Fournir l’Europe et concurrencer les exports russes
Face à la faible demande en gaz localement, les deux États ambitionnent d’approvisionner en gaz liquéfié le marché européen. D’autant que l’Europe cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie. De plus, la construction de Nord Stream 2 pourrait être compromise du fait des sanctions américaines.
L’Union Européenne soutient plutôt le projet EastMed qui répondrait à 10% de ses besoins en gaz. Ce gazoduc de 2200km acheminerait le gaz israélien et chypriote par la Grèce et l’Italie.
Faire front commun avec un soutien américain
L’Égypte en profite également pour envoyer un message à l’administration Biden. Elle lui montre ainsi que le pays est indispensable pour assurer la sécurité de la région, se positionnant même comme médiateur du conflit israëlo-palestinien.
L’Égypte a d’ailleurs soutenu les accords d’Abraham conclus entre Israël et les pays arabes, le Bahreïn et les Émirats Arabes Unis. Ce processus de normalisation s’était fait sous la houlette de Donald Trump, alors président des États-Unis d’Amérique, dans l’objectif certain de renforcer ses positions contre l’Iran.
Pourtant, cet malgré la médiation en cours, certaines questions liées aux Droits de l’Homme pourraient refroidir les relations israëlo-égyptienne. À l’inverse, leur relation pourrait s renforcer en matière énergétique. Ce, non pas contre l’Iran, mais contre la Turquie.
Renforcer la coopération contre les velléités turques
Une alliance régionale s’est en effet formée contre la Turquie afin de l’exclure des découvertes gazières. Il s’agit du Forum du gaz de la Méditerranée Orientale mis en place en 2019. Depuis janvier 2020, cette organisation intergouvernementale est basée au Caire.
Elle regroupe actuellement Israël, l’Égypte, Chypre, la Grèce, l’Autorité Palestinienne, la Jordanie et l’Italie. Une meilleure coopération entre ces pays permet de proposer des prix compétitifs sur le marché mondial du gaz. Des discussions sont aussi en cours sur EastMed malgré une Égypte réticente.
Erdogan voit d’un mauvais œil ce projet qui concurrencerait le TurkStream qui devrait acheminer du gaz russe vers l’Europe depuis la Turquie.
Faire face à la politique expansionniste turque
La Turquie reste dépendante de ses importations en gaz notamment de Russie et d’Iran. Grâce à la richesse énergétique des fonds méditerranéens, elle voit une opportunité de sortir de cette situation. Elle mène ainsi une politique agressive, la Patrie Bleue, visant à explorer des espaces marins éloignés.
Elle empiète régulièrement dans les zones économiques exclusives (ZEE) d’autres nations. L’accord conclu avec Fayez el-Sarraj lui permet d’entreprendre des opérations légales dans les eaux libyennes.
Finalement, la partie orientale de la mer Méditerranée est le théâtre d’une lutte entre puissances pour l’accès aux zones riches en gaz. La conclusion de l’accord entre Israël et l’Égypte devrait déséquilibrer quelque peu les rapports de force en leur faveur. Ce, contre la Russie, la Turquie, voire indirectement aussi contre l’Iran.