Les États de l’Union européenne et eurodéputés se sont accordés jeudi pour quasiment doubler la part des renouvelables dans la consommation énergétique d’ici 2030, volet-clé de l’ambitieux plan climat européen.
Le texte consacre comme « verte » la biomasse (bois brûlé pour produire de l’énergie), au grand dam d’ONG environnementales inquiètes de l’impact sur les forêts, et tient compte du rôle du nucléaire pour produire de l’hydrogène décarboné, pomme de discorde entre les Vingt-Sept.
L’accord, conclu après une nuit d’ultimes pourparlers, fixe l’objectif contraignant d’au moins 42,5% d’énergies renouvelables dans la consommation européenne d’ici 2030, un quasi-doublement du niveau actuel d’environ 22% (19% en France). Il s’accompagne d’un niveau-cible « indicatif » de 45% que les États s’efforceront d’atteindre. « Les renouvelables contribueront à notre souveraineté énergétique en réduisant les importations fossiles » et allègeront les factures, a salué Frans Timmermans, vice-président de la Commission. L’ONG Bureau européen de l’environnement a cependant regretté un objectif « faible et dépassé », alors que « les scénarios modélisés montrent que 50% sont possibles et recommandés pour respecter l’Accord de Paris ».
De fait, l’UE est déjà sur la bonne trajectoire. Après avoir doublé depuis 2004, la part des renouvelables est, « dans les conditions actuelles », sur la voie d’atteindre 45% d’ici 2030, voire 50% « en cas de soutien accru », estimait fin février le cabinet Ember, relevant notamment la croissance exponentielle du solaire.
Procédures simplifiées
Le texte accélère les procédures d’autorisations, avec l’établissement de « zones dédiées » où les autorités nationales seront tenues d’approuver sous 18 mois maximum les nouvelles installations d’énergies renouvelables (délai limité à 27 mois en dehors). L’UE prévoit 49% de renouvelables dans la consommation énergétique des bâtiments, avec une trajectoire progressive de verdissement pour le chauffage et le refroidissement. Dans les transports, les États devront d’ici 2030 soit réduire de 14,5% l’intensité des gaz à effet de serre grâce aux renouvelables, soit atteindre 29% de renouvelables dans la consommation finale d’énergie du secteur. Un objectif contraignant est fixé pour l’usage de « biocarburants avancés » (dérivés de matières non alimentaires) ou « carburants renouvelables non biologiques » (hydrogène, carburants synthétiques).
« Statut spécifique » du nucléaire
Les industriels, eux, devront gonfler de 1,6% par an leur recours aux renouvelables. Dans chaque pays, la part d‘hydrogène renouvelable dans l’hydrogène utilisé par l’industrie devra atteindre 42% d’ici 2030. Cependant, la présidence suédoise de l’UE, qui négociait au nom des États, a obtenu d’assouplir l’objectif pour les pays disposant d’un parc nucléaire pouvant produire de l’hydrogène décarboné. La question a déchiré les Vingt-Sept: la France et ses alliés réclamaient un traitement égal entre hydrogène renouvelable et « bas carbone » – une ligne rouge pour plusieurs pays (Allemagne, Autriche, Luxembourg, Espagne…), qui refusaient d’encourager le nucléaire dans un texte dévolu aux énergies vertes au risque de ralentir les investissements dans les renouvelables.
Finalement, l’accord trouvé prévoit que l’objectif 2030 d’hydrogène renouvelable pourra être réduit de 20% pour les États où la part « fossile » dans la consommation d’hydrogène sera inférieure à 23%. « La France ne sera pas obligée de construire du renouvelable pour faire de l’hydrogène pour l’industrie et les transports, mais pourra recourir au nucléaire », qui se voit accorder « un statut spécifique, ni vert, ni fossile », observe l’eurodéputé Pascal Canfin (Renew, centristes). De quoi satisfaire à la fois Paris et les pays refusant toute équivalence formelle entre atome et énergies vertes. « Cet accord consacre la reconnaissance du rôle du nucléaire dans l’atteinte de nos objectifs de décarbonation, une avancée de principe importante », a salué la ministre française Agnès Pannier-Runacher. Cette flexibilité s’appliquera à condition que le pays remplisse sa contribution obligatoire à l’objectif global de 42,5% de renouvelables dans l’UE, insiste l’eurodéputé Markus Pieper (PPE, droite), rapporteur du texte.
Biomasse
L’accord maintient le statut « renouvelable » de la bioénergie, mais renforce les critères de « durabilité » pour la biomasse, dont les sources seront hiérarchisées selon leur « valeur ajoutée économique et environnementale ». Certaines zones forestières seront exclues, les aides publiques plus restreintes. Défendue farouchement par les pays scandinaves, la pratique est dénoncée par les écologistes alors qu’on brûle déjà la moitié de la récolte de bois en Europe pour produire de l’énergie. Cette loi « récompensera les entreprises énergétiques brûlant des millions d’arbres, notre principal puits de carbone terrestre, aggravant la crise climatique et de biodiversité, et sapant la santé des gens », s’indigne Martin Pigeon, de l’ONG Fern.