Les représentants d’un monde divisé et dans la tourmente se retrouvent dimanche à Charm el-Cheikh pour deux semaines de conférence au chevet d’une planète ballottée par les catastrophes climatiques et toujours sur la voie d’un réchauffement catastrophique.
Plus de 120 chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus lundi et mardi pour le “sommet des leaders” de cette vingt-septième COP, selon les organisateurs, dans un contexte de crises multiples et liées: guerre en Ukraine, tensions inflationnistes et spectre de récession mondiale, crises énergétiques, alimentaire et de la biodiversité…
De quoi reléguer au second plan une crise climatique pourtant “existentielle, primordiale et omniprésente”, selon les mots du ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri, qui présidera la COP27.
Les rapports alarmants se sont multipliés depuis la COP26 à Glasgow, quand près de 200 pays s’étaient solennellement engagés à “maintenir en vie” l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris, traité fondamental conclu en 2015.
A savoir contenir le réchauffement à 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, période où les humains ont commencé à brûler à grande échelle les énergies fossiles (charbon, pétrole ou gaz) qui émettent les gaz à effet de serre responsables du réchauffement.
Mais depuis, 24 pays seulement ont relevé leurs engagements et l’ONU ne voit “aucune piste crédible” pour tenir cet objectif.
Même si tous les pays tenaient leurs promesses, ce qui n’est jamais arrivé, le monde serait sur une trajectoire de réchauffement de 2,4°C d’ici la fin du siècle. Avec les politiques actuelles c’est un catastrophique +2,8°C qui se profile. “Pitoyablement pas à la hauteur”, a fustigé le secrétaire général des
Nations unies, Antonio Guterres.
Impacts catastrophiques
Il n’est pourtant pas certain que la COP27 débouche sur de vraies avancées en la matière, même si la présidence égyptienne vante une “conférence de la mise en oeuvre”.
Appelant à laisser de côté les divisions, le patron de l’ONU-Climat, Simon Stiell, a lui aussi exhorté vendredi lors d’un point presse à “passer des mots aux actes”. “Paris nous a montré ce qu’il fallait faire. Glasgow nous a montré comment. A Charm el-Cheikh, il faudra le faire”.
Le regain de tensions entre les deux principaux pollueurs mondiaux, Etats-Unis et Chine, pèse cependant sur la conférence. Le président chinois Xi Jinping ne viendra pas et l’Américain Joe Biden devrait passer rapidement après les élections de mi-mandat du 8 novembre.
Les deux pourraient toutefois se voir en marge du G20 à Bali, pendant la deuxième semaine de la COP.
“Si les deux plus gros émetteurs ne se parlent pas, nous n’arriverons pas à tenir 1,5°C”, prévient Li Shuo, de Greenpeace Chine.
Or, à presque 1,2°C de réchauffement actuellement, les impacts catastrophiques se multiplient déjà, comme l’a montré 2022: terribles inondations au Pakistan, avec un tiers du pays sous les eaux, ou au Nigeria, canicules, mégafeux et sécheresses affectant les récoltes.
La prise de conscience s’est accentuée dans les pays développés, eux aussi de plus en plus touchés, mais les actes ne suivent pas, notamment sur les financements, probablement le sujet le plus contentieux au menu de la COP27.
Les pays riches n’ont en effet toujours pas tenu l’engagement pris en 2009 de porter à 100 milliards de dollars par an en 2020 leurs financements pour aider les plus pauvres à baisser les émissions et s’adapter aux effets du changement climatique. Le montant a plafonné à 83,3 milliards en 2020, selon le dernier bilan, contesté, de l’OCDE. L’objectif devrait désormais être atteint en 2023.
Trop tard, et surtout trop peu, dénoncent les plus pauvres, quasiment pas responsables du réchauffement mais sur la “ligne de front” de ses effets dévastateurs.
“Cent milliards ne vont même pas commencer à répondre à une fraction des besoins,” a prévenu vendredi lors d’un point presse Wael Aboulmagd, représentant spécial de la présidence égyptienne de la COP27. Et d’appeler à “atteindre et dépasser” cet objectif, “important pour la confiance” ébranlée des pays du Sud envers ceux du Nord.
Croque-mort
Les pays les plus exposés réclament désormais des financements dédiés pour les “pertes et dommages” déjà subis. Mais les pays développés sont très réticents, et n’ont accepté l’an dernier que la création d’un “dialogue” sur la question, prévu jusqu’en 2024. Ils devraient toutefois concéder que le sujet soit officiellement à l’ordre du jour à Charm el-Cheikh.
“Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut un moyen d’y remédier. La difficulté est dans les détails”, souligne l’ambassadeur Aboulmagd, alors que Simon Stiell réclame “une discussion ouverte et honnête”.
“Va-t-on répondre aux plus de trois milliards de personnes qui vivent dans des pays vulnérables ?”, s’insurge Harjeet Singh, responsable de la stratégie du Climate Action Network, principale coalition mondiale regroupant plus de 1.800 ONG.
“On jugera du succès ou de l’échec de la COP27 sur un accord sur cette facilité de financement des pertes et dommages,” renchérit Munir Akram, ambassadeur du Pakistan à l’ONU et président du G77+Chine, principal groupe de pays émergents et pauvres aux négociations climat.
D’autant que les financements pour l’adaptation, que les pays riches s’étaient engagés l’an dernier à doubler, sont eux aussi à la traîne.
“Il vaudrait pourtant mieux payer pour le docteur avant (les dégâts) que pour le croque-mort après”, cingle Avinash Persaud, représentant de la Première ministre de la Barbade, Mia Motley, qui milite pour une réforme globale du système financier mondial, pour le réorienter vers l’action climatique.