L’Arabie Saoudite, par l’intermédiaire de son ministre de l’Énergie, le prince Abdulaziz bin Salman, s’engage officiellement contre le réchauffement climatique. Le Palais Royal a récemment accueilli les ministres de l’Énergie et de l’Environnement dans le cadre du sommet du G20. Au cours d’intenses discussions et négociations, l’Arabie Saoudite s’est imposée comme intermédiaire indispensable entre sceptiques et convertis aux causes climatiques.
L’Arabie Saoudite réuni les décideurs du monde
L’Arabie Saoudite s’engage pour le climat aux côtés des 20 nations les plus riches du monde (G20). Le pays détient une réserve de 267 milliards de barils de pétrole. Cette position lui offre donc une légitimité de paroles et de négociateur naturel envers les gros pollueurs.
Malgré l’effort saoudien, les discussions présidées par le ministre italien de la Transition écologique, Roberto Cingolani, butent sur deux points clés. Les gros pollueurs ne souhaitent pas avancer de date limite pour l’élimination progressive de l’électricité au charbon. Ils ne s’engagent pas non plus à limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°.
Sur l’ensemble, les discussions s’organisaient autour de 58 points clés pour la réduction des émissions de carbone.
Une négociation orpheline de consensus final
Le prince Abdulaziz bin Salman, ministre de l’Énergie, organisait en parallèle une conversation bilatérale entre New Delhi et Pékin. Les deux principaux pollueurs et récalcitrants aux mesures pour le climat.
Mais le premier ministre indien, Narendra Modi, ne s’est pas engagé totalement. L’Inde, troisième émetteur mondial de CO2, n’a pas participé aux discussions préparatoires de la COP26.
Le pays se rapproche des mesures occidentales
Le royaume s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre il y a à peine 3 ans. En entraînant les pollueurs réfractaires, les Saoudiens apparaissent comme un pivot stratégique. À cet égard, ils pourraient devenir un partenaire essentiel de l’administration Biden.
La signature des communiqués de presse à Naples et à Glasgow participerait en effet à améliorer les relations américano-saoudiennes. Cette manœuvre profite à l’Arabie Saoudite, qui répare ainsi sa réputation sur la scène internationale. Le pays projette également de tirer parti de la transition énergétique mondiale.
Le Royaume à l’abri des pressions du marché pétrolier
En outre, le consensus émergeant en Occident accroît la pression sur les marchés pétroliers. La publication le 9 août 2021 du 1er volet du 6ème rapport du GIEC a même fait chuter les prix du pétrole. Plusieurs acteurs s’emploient également à réduire les dépenses en capital en vue de la transition énergétique. Les sociétés pétrolières cotées comme Exxon Mobil et Royal Dutch Shell, les investisseurs, les tribunaux et les gouvernements.
L’Arabie Saoudite reste néanmoins relativement protégée par ses avantages comparatifs. En effet, les mesures de transition entreprises pourraient réduire significativement l’offre qui ne répondrait plus aux sollicitations de la demande. Cela soutiendrait les prix au-dessus de $70/baril et maintiendrait les bénéfices de Riyad.
La mainmise du pouvoir sur les pétroliers nationaux
L’organisation interne du pouvoir saoudien participe également à sa mise à l’abri des pressions externes. Le géant pétrolier national saoudien, Saudi Aramco, supervisé par un éminent monarque du royaume, suit son propre calendrier. Les préoccupations environnementales, sociales et de gouvernances saoudiennes restent éloignées des investisseurs de New York ou de Londres.
Egalement, les réserves pétrolières saoudiennes sont plus propres et moins chères à extraire : 3$ de coût de revient par baril. La richesse du sol saoudien offre donc au pays une place d’exploitant leader des dernières molécules d’hydrocarbures. La nouvelle génération impacte cependant largement l’orientation future des politiques énergétiques.
Comment répondre aux enjeux contemporains ?
La jeunesse de la population saoudienne impose une nouvelle pression au royaume. Celle-ci défend l’avènement d’un nouveau cap : l’intégration définitive du changement climatique aux choix politiques. Le monarque de 35 ans, Ben Salmane, entends les revendications contemporaines et mise sur la Saudi Green initiative.
L’initiative s’inscrit dans le plan Vision du prince héritier qui prévoit une transition concrète vers le renouvelable. D’ici à 2030, le pays vise ainsi à produire la moitié de son énergie à partir d’énergies renouvelables. Le plan prévoit aussi la plantation de 10 milliards d’arbres.
Un terrain propice au développement de l’hydrogène
Le royaume dispose d’une situation propice à l’essor de telles énergies. Riyad reçoit plus de 3200 heures d’ensoleillement par an et compte des milliers de kilomètres d’espace vide, balayé par le vent. L’accès à l’eau ainsi que la nouvelle technologie maîtrisée, pousse l’Arabie Saoudite à modifier sa production.
Le pays s’impose comme leader du développement de l’hydrogène. Il maîtrise le processus d’électrolyse et construit actuellement une usine de production de pointe. L’usine produirait l’ammoniac vert à base d’hydrogène à Neom, au nord-ouest du pays. L’objectif : remplacer l’exportation des hydrocarbures par son équivalent hydrogène, plus vert et transportable sans perte massive d’énergie calorique.
L’Arabie Saoudite s’avance donc comme leader pour la transition énergétique, et s’implique dans les débats sur la scène internationale. Selon Goldman Sachs, le marché de l’hydrogène devrait être multiplié par sept, d’ici à 2050, réduisant le marché des combustibles fossiles. L’implication du royaume sert la transition énergétique, pondère ses velléités extractives et sa politique stricte.