La centrale éolienne terrestre de Kagurayama, située dans la préfecture de Fukushima, a officiellement démarré ses opérations commerciales avec une capacité injectée de 61,1 MW. Le projet repose sur un tarif d’achat garanti de 22 JPY/kWh, validé en 2017 dans le cadre du mécanisme de soutien Feed-in Tariff (FIT), ce qui lui confère une visibilité financière stable pendant 20 ans. La structure de revenus assure une protection contre les fluctuations du marché, avec un chiffre d’affaires théorique estimé à environ JPY3,6bn ($25mn) par an pour une production annuelle de 165 GWh.
Un projet bridé par les contraintes du réseau
Bien que la centrale soit équipée de 16 turbines de 4,3 MW, soit une puissance installée de 68,8 MW, la limite d’injection autorisée par le réseau est fixée à 61,1 MW. Cette restriction reflète les limitations structurelles du système électrique dans l’Est du Japon, où la congestion demeure un facteur de blocage pour le développement à grande échelle des énergies renouvelables. La perte de production liée aux périodes de vent fort non valorisées constitue un manque à gagner technique et économique récurrent.
Le coût total de l’investissement (Capex) est estimé à JPY34,7bn ($241mn), soit environ JPY0,57bn ($4mn) par MW installé, un niveau cohérent avec les conditions topographiques et les contraintes réglementaires locales. Le facteur de charge implicite du site est évalué à environ 31 %, calculé sur la base de la puissance injectée. Le processus d’autorisation a débuté dès 2016 et s’est achevé en 2021, soulignant les délais réglementaires importants pour ce type de projet au Japon.
Structure locale et pilotage régional
Le projet est porté par Iwaki Kagurayama Fukko Energy LLC, une société de projet (SPC) de type project finance. JR-EAST Energy Development agit en tant qu’opérateur et représentant du consortium. L’actionnariat comprend également Fukushima Electric Power, ainsi que plusieurs entreprises industrielles régionales telles que Banei Unso, Kamata Sangyo et Joban Kosan. Cette composition reflète un modèle de gouvernance aligné sur la reconstruction locale post-2011, combinant acceptabilité sociale et retombées économiques.
Les municipalités d’Iwaki et de Kawauchi sont directement impliquées dans la concertation et l’aménagement, tandis que les autorités nationales, notamment le ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI), ont supervisé la certification FIT et le processus d’évaluation environnementale. La limitation de puissance injectée laisse supposer un arbitrage réseau centralisé par l’opérateur de transport d’électricité.
Des risques techniques et une supply chain exposée
Les principaux risques à court terme concernent la disponibilité technique des turbines et l’évolution du cadre de curtailment régional. La montée en puissance des besoins en maintenance locale devrait entraîner une hausse de la demande en pièces détachées et en compétences spécialisées. Des tensions sur les composants critiques pourraient survenir si la chaîne d’approvisionnement en métaux et équipements électroniques venait à être perturbée par des facteurs géopolitiques ou commerciaux.
Les coûts d’exploitation et de maintenance (O&M) devront être surveillés, notamment dans un contexte d’inflation logistique et de rareté des techniciens. Le projet, bien que protégé par un FIT “grandfathered”, pourrait être affecté par des restrictions supplémentaires d’injection si la congestion régionale venait à s’intensifier.
Un levier stratégique pour JR-EAST Energy Development
Pour JR-EAST Energy Development, Kagurayama marque une étape significative dans la structuration de son portefeuille régional. La centrale génère un flux de trésorerie stable assimilable à un actif obligataire, facilitant le financement de projets futurs. L’entreprise renforce ainsi sa crédibilité pour le développement des parcs d’Iwaki Miwa et Abukuma, en capitalisant sur une exécution réussie dans un environnement complexe.
La gouvernance multipartite impose toutefois une coordination renforcée pour les décisions d’exploitation, en raison des intérêts divergents entre les actionnaires locaux, les exigences ESG (environnement, social, gouvernance) et les impératifs de performance technique. L’exposition au risque réputationnel demeure, notamment en lien avec les préoccupations locales sur les impacts paysagers, acoustiques ou environnementaux.
Symbolique énergétique et signaux de marché
À l’échelle nationale, l’impact du parc sur l’approvisionnement énergétique reste marginal, mais il participe à la réduction des importations fossiles et à la diversification de la production. Le projet s’inscrit également dans la stratégie post-accident de Fukushima, où les infrastructures renouvelables servent d’outil de reconstruction économique et de réhabilitation territoriale. Les autorités locales y voient un symbole de résilience, bien que son efficacité opérationnelle dépende de l’adaptation du réseau.
Les autorités japonaises devront suivre de près les performances du site et le taux réel de bridage pour affiner les règles de curtailment à l’échelle régionale. Le modèle de Kagurayama pourrait servir de référence pour d’autres projets à Fukushima, à condition que les délais d’obtention de permis et les enjeux d’interconnexion puissent être maîtrisés à moyen terme.