L’Inde a soumis un projet de loi visant à mettre fin au monopole de l’État sur l’énergie nucléaire, autorisant pour la première fois les entreprises privées à participer directement à la construction et à l’exploitation de centrales. Le texte, baptisé « Sustainable Harnessing of Advancement of Nuclear Energy for Transforming India Bill, 2025 », a été présenté au Parlement et marque une inflexion majeure dans la politique énergétique nationale.
Un changement stratégique pour attirer les capitaux privés
Le projet de loi autorise toute entité « expressément autorisée par le gouvernement central » à demander une licence pour opérer dans le secteur nucléaire. Cette disposition ouvre la voie à la participation d’acteurs privés comme Tata Power, Adani Power et Reliance Industries, qui ont été identifiés comme intéressés par un investissement cumulé d’environ INR2.16tn ($26bn). Les entreprises étrangères pourront également accéder au marché indien en coentreprise avec des partenaires locaux, sous réserve d’une sélection gouvernementale.
L’Inde possède actuellement une capacité nucléaire installée de 8,2 gigawatts (GW), entièrement détenue par la société publique Nuclear Power Corporation of India Ltd (NPCIL). L’ambition gouvernementale est d’atteindre une capacité de 100 GW dans les vingt prochaines années, un objectif nécessitant une mobilisation massive de capitaux et de technologies.
Nouvel environnement réglementaire et cadre de responsabilité élargi
Le texte législatif supprime une clause antérieure permettant aux exploitants de poursuivre les fournisseurs en cas de défauts d’équipement, une exigence jugée contraignante par des fournisseurs internationaux comme General Electric, Westinghouse Electric et Electricité de France. Cette mesure vise à lever un obstacle majeur à l’entrée de fournisseurs étrangers sur le marché indien.
La responsabilité civile en cas d’accident nucléaire est doublée pour les grands réacteurs, passant à INR30bn ($330.75mn), tandis que le plafond global de compensation reste inchangé. Un fonds de responsabilité nucléaire est également prévu afin de couvrir les indemnisations, en conformité avec les normes internationales.
Maintien du contrôle étatique sur les activités sensibles
Bien que les opérateurs privés puissent désormais importer et traiter de l’uranium, les activités stratégiques telles que l’extraction du minerai, l’enrichissement de l’uranium et le retraitement du combustible restent réservées à l’État. Toutes les opérations seront soumises à l’obtention préalable d’une licence, y compris pour les coentreprises avec des entités étrangères.
Cette réforme législative pourrait redéfinir le rôle de l’énergie nucléaire dans le bouquet énergétique indien, tout en redéployant la charge d’investissement du secteur public vers des partenaires industriels capables de financer de nouveaux projets à grande échelle.