Saudi Aramco a mis en service la première phase du champ de gaz non conventionnel de Jafurah, avec une capacité initiale de 450 millions de pieds cubes par jour (MMcf/j). Cette mise en production marque le début d’un programme d’expansion à long terme visant 2 milliards de pieds cubes par jour (Bcf/j) d’ici 2030. Le projet s’inscrit dans une stratégie plus large de réorientation de la production énergétique saoudienne, avec plus de 100 milliards $ d’investissements prévus, combinant infrastructures techniques et mécanismes financiers structurés.
Un modèle d’investissement structuré par cession-bail
Le financement repose sur un accord de lease & leaseback de 11 milliards $, conclu avec un consortium mené par Global Infrastructure Partners (GIP) et BlackRock. Ce montage permet à Saudi Aramco de générer des liquidités immédiates tout en conservant l’usage opérationnel des actifs. La structure inclut la Jafurah Midstream Gas Company (JMGC), une coentreprise détenue à 51 % par Aramco et à 49 % par le consortium, avec un contrat de location sur 20 ans portant sur l’usine de traitement et l’unité de fractionnement NGL à Riyas.
Ce dispositif réduit la charge de capital direct tout en sécurisant des revenus stables à long terme pour les investisseurs. Il reflète une tendance croissante dans le secteur énergétique, où les infrastructures midstream sont considérées comme des actifs générateurs de flux récurrents, attractifs pour les fonds spécialisés.
Un levier économique sous contrainte OPEP+
Chaque Bcf/j de gaz injecté dans le réseau électrique permet de remplacer entre 180 000 et 200 000 barils de brut par jour utilisés dans les centrales thermiques. Cette substitution optimise les recettes d’exportation sans contrevenir aux quotas de production imposés par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole élargie (OPEP+), tout en améliorant le bilan opérationnel d’Aramco.
Les volumes libérés pourraient atteindre 500 000 barils par jour à pleine capacité, dont plus de 300 000 barils attribués à Jafurah. Cette réaffectation structurelle du brut domestique contribue à une meilleure valorisation du portefeuille énergétique du Royaume.
Pressions sur la chaîne de valeur et calendrier serré
Le développement rapide de Jafurah exerce une forte pression sur la chaîne d’approvisionnement régionale. Les entreprises de services pétroliers et gaziers opérant dans le forage horizontal, la fracturation hydraulique, le traitement de l’eau et l’intégration électrique font face à une demande soutenue jusqu’en 2028. Cette situation entraîne une hausse des coûts de location d’équipements, des tarifs journaliers de forage et des composants critiques comme les systèmes de compression.
Saudi Aramco a déjà attribué pour plus de 25 milliards $ de contrats sur les phases 1 et 2, incluant la compression, les trains de traitement, les pipelines et les sous-stations. Le calendrier vise une montée progressive à 1 Bcf/j, puis 2 Bcf/j, en fonction de la performance des infrastructures et des capacités de transport du réseau national Master Gas System.
Perspectives de revenus et diversification industrielle
Outre la substitution du brut, Jafurah permet à Saudi Aramco de sécuriser un apport stable de matières premières pour la pétrochimie. En régime établi, le projet vise plus de 400 MMcf/j d’éthane et environ 630 000 barils par jour de condensats et liquides de gaz naturel (NGL), destinés aux complexes industriels et aux usages de cogénération.
À moyen terme, ces flux pourraient aussi alimenter des projets d’hydrogène bleu et d’ammoniac bas-carbone, notamment à partir des hubs industriels comme Jazan. Cette orientation renforce la compétitivité saoudienne dans le secteur des molécules de transition, sans modification structurelle des volumes pétroliers autorisés.