L’opérateur municipal Orkuveita Húsavíkur (Húsavík Energy) a engagé une nouvelle phase d’exploration avec le forage de sept puits géothermiques dans le nord de l’Islande. L’opération vise à renforcer la connaissance du sous-sol local afin d’anticiper de nouveaux usages industriels, dans un contexte de contraction de la demande énergétique provoquée par l’arrêt de la production de silicium métal par PCC BakkiSilicon hf.
Nouvelle stratégie après l’arrêt du principal client
La mise à l’arrêt du site de PCC BakkiSilicon en 2025 a modifié les équilibres économiques de la zone industrielle de Bakki, initialement structurée autour d’un approvisionnement en électricité renouvelable à grande échelle. Le retrait de ce client stratégique, qui consommait jusqu’à 58 MW, a entraîné une baisse de charge du réseau local et une perte de recettes pour les opérateurs d’infrastructure. Húsavík Energy s’efforce désormais de reconfigurer l’offre énergétique en valorisant la chaleur géothermique pour attirer de nouveaux acteurs moins sensibles aux cycles des marchés de matières premières.
Partenaires techniques et cadre réglementaire
Le projet est mené en partenariat avec Iceland GeoSurvey (ÍSOR), chargé de l’interprétation géologique, et l’entreprise de forage Vatnsborun ehf. Ces opérations s’inscrivent dans le cadre juridique défini par le Resource Act n°57/1998 et sont encadrées par l’Autorité nationale de l’énergie (Orkustofnun), qui supervise les permis et les performances des installations géothermiques. Les forages sont considérés comme exploratoires et ne nécessitent pas de procédures d’évaluation environnementale étendues à ce stade.
Synergies avec le programme européen ICEWATER
Húsavík Energy participe depuis 2024 au projet LIFE ICEWATER, doté d’un budget de 5,8 Mds ISK ($40.2mn), dont 3,5 Mds ISK ($24.3mn) financés par l’Union européenne. Ce programme vise à améliorer la gestion des effluents industriels, en particulier ceux issus de l’agroalimentaire, via des infrastructures circulaires combinant chaleur, eau et traitement. Les nouveaux forages permettront d’alimenter ces usages à partir de ressources thermiques contrôlées, renforçant ainsi les capacités de la société à proposer des contrats stables à long terme.
Optimisation des actifs existants et perspectives de relance
L’analyse des données issues des nouveaux puits pourrait également permettre d’évaluer la faisabilité d’une remise en service de la centrale géothermique Kalina de 2 MW, à l’arrêt depuis 2008. Cet actif, acquis par Wasabi Energy au début des années 2010, pourrait être modernisé ou remplacé par une unité à cycle organique de Rankine (ORC), mieux adaptée aux températures mesurées et plus performante technologiquement. Une production électrique locale donnerait à Húsavík Energy une source de revenus supplémentaire et renforcerait la résilience de son système énergétique.
Marché local et reconfiguration de l’offre énergétique
Les études précédentes indiquent un potentiel géothermique sous-utilisé dans la région, avec une capacité estimée à environ 300 l/s d’eau chaude contre 90 l/s utilisés. L’objectif de la campagne est de localiser les zones à haute perméabilité et fort gradient thermique, en vue de prioriser les investissements vers les puits les plus rentables. Une meilleure hiérarchisation des projets permettrait à la société de structurer ses offres commerciales à destination de l’agroalimentaire, de l’aquaculture ou des data centers.
Positionnement industriel et perspectives de négociation
La municipalité de Norðurþing, propriétaire indirect de Húsavík Energy, entend renforcer l’attractivité du site de Bakki en proposant des combinaisons modulables d’électricité, de chaleur et d’eau industrielle. L’objectif est d’attirer des projets moins dépendants des marchés internationaux, tout en optimisant les infrastructures existantes. La campagne de forage permet de documenter précisément les conditions du sous-sol et de mieux calibrer les futurs contrats, à un moment où l’entreprise prévoit une hausse tarifaire de 4,2 % en 2026.
Risques externes et dynamique de financement
Aucun des partenaires impliqués ne figure actuellement sur les listes de sanctions actives. Toutefois, le projet reste indirectement exposé aux décisions européennes en matière de politique commerciale, notamment en ce qui concerne les droits anti-dumping sur le silicium métal. Parallèlement, le couplage des projets géothermiques et d’infrastructure circulaire pourrait faciliter l’accès à des financements additionnels via des instruments européens liés au climat, à l’eau ou à l’innovation industrielle.