Harbour Energy prévoit de supprimer environ 100 postes offshore au Royaume-Uni dans le cadre d’une revue organisationnelle prolongée jusqu’au premier trimestre 2026. Cette nouvelle vague s’ajoute à près de 600 suppressions de postes déjà annoncées depuis 2023, marquant un net recul de la présence de l’entreprise sur le territoire britannique. La direction cite un environnement fiscal « non compétitif » couplé à des prix de l’énergie plus bas comme catalyseurs de cette restructuration.
Un retrait progressif des actifs britanniques
Créée en 2021 par la fusion de Chrysaor et Premier Oil, Harbour Energy était initialement le principal producteur indépendant du plateau continental britannique. Le groupe a depuis réorienté ses investissements vers des marchés perçus comme fiscalement stables, notamment la Norvège, le Mexique et l’Argentine, à la suite de l’acquisition des actifs de Wintershall Dea. À mesure que ces régions prennent de l’importance dans le portefeuille du groupe, la base opérationnelle britannique se contracte.
La société maintient des opérations sur des champs stratégiques comme Schiehallion et Clair, mais la dynamique d’investissement au Royaume-Uni diminue depuis 2022. Le groupe réalloue ses ressources vers des juridictions combinant sécurité juridique, régime fiscal stable et soutien explicite à l’exploitation prolongée d’actifs existants, renforçant un basculement du Royaume-Uni vers une position secondaire.
Le prélèvement sur les bénéfices énergétiques au cœur des arbitrages
L’Energy Profits Levy (EPL), introduit par les autorités britanniques, porte la fiscalité marginale des producteurs à 78 % en cumulant plusieurs niveaux d’imposition. Depuis 2024, les réformes associées ont prolongé cette surtaxe jusqu’en 2030, tout en supprimant les principaux abattements à l’investissement, limitant les marges de manœuvre pour atténuer la pression fiscale.
Les perspectives post-EPL prévoient un mécanisme de taxation indexé sur les prix de marché, ce qui installe une incertitude prolongée sur la rentabilité des projets. En parallèle, le North Sea Future Plan encadre strictement l’octroi de nouveaux permis, limitant la croissance à des raccordements (« tie-backs ») autour d’infrastructures existantes, dans une logique de déclin maîtrisé de la production fossile.
Répercussions sur la chaîne industrielle locale
La réduction de personnel offshore pourrait entraîner une contraction mécanique des activités pour les prestataires de services installés à Aberdeen, notamment dans la logistique, la maintenance et les opérations maritimes. La visibilité sur les projets à venir se réduit, forçant certains fournisseurs à revoir leurs effectifs et leurs capacités.
Harbour Energy cherche à simplifier son organisation britannique et à renforcer l’intégration de ses fonctions support au niveau global. Cela correspond à une stratégie où chaque dollar économisé sur les charges fixes au Royaume-Uni peut être redéployé vers des projets internationaux à rendement net plus élevé.
Une structure actionnariale sous surveillance
L’entreprise est partiellement détenue à hauteur de 14,87 % par LetterOne, un fonds d’investissement lié à des personnalités russes visées par des sanctions internationales. Bien que LetterOne ne soit pas considéré comme une entité sanctionnée, la participation suscite un intérêt croissant des régulateurs et du Parlement britannique, en particulier du fait du rôle stratégique de Harbour dans l’approvisionnement en hydrocarbures.
Le groupe a mis en place une politique de conformité aux régimes de sanctions britanniques, européens et américains, et se montre vigilant sur la gestion des flux financiers intra-groupe. Toutefois, la structure capitalistique continue d’alimenter le débat sur les conditions de gouvernance d’un opérateur actif dans un secteur critique.
Une décision observée au niveau européen
La réallocation de capital de Harbour vers des pays tiers reflète une perte d’attractivité du Royaume-Uni pour les investissements pétroliers et gaziers. Dans un environnement où la production britannique décline et où les contraintes fiscales se renforcent, les opérateurs ajustent leur présence au profit de juridictions jugées plus prévisibles.
Ce mouvement alimente la dépendance croissante du Royaume-Uni aux importations de gaz naturel liquéfié et au gaz norvégien, tout en réduisant sa marge de manœuvre face aux tensions géopolitiques sur les flux d’énergie. Harbour Energy illustre ainsi un arbitrage de portefeuille influencé autant par les paramètres fiscaux que par les exigences de gouvernance et de conformité internationale.