Le gouvernement indien a approuvé un programme public de 7 280 crores INR ($872mn) pour créer une chaîne de production d’aimants permanents aux terres rares, visant une capacité annuelle de 6 000 tonnes. Cette initiative vise à réduire la dépendance du pays à la Chine, qui détient une position dominante dans l’extraction, le raffinage et la fabrication de ces composants stratégiques.
Objectifs industriels et structure du plan
Le programme s’appuie sur un mécanisme d’incitations à la production sur sept ans, avec 6 450 crores INR ($773mn) alloués à des versements liés aux ventes et 750 crores INR ($89mn) de subventions destinées aux investissements initiaux. Cinq entreprises seront sélectionnées via une procédure concurrentielle, chacune pouvant établir une capacité allant jusqu’à 1 200 tonnes par an. Les usines devraient être opérationnelles d’ici 2028.
Ce programme intervient alors que la Chine a introduit de nouvelles restrictions sur les exportations d’aimants et de métaux critiques en 2025, imposant des obligations de licence et des exigences sur l’usage final des produits contenant des terres rares, même en quantités marginales. L’Inde, qui possède environ 6 % des réserves mondiales de terres rares, ne représente encore qu’une fraction de la production mondiale.
Intégration verticale et réduction de la dépendance
L’Inde importe actuellement la quasi-totalité de ses aimants finis, avec 53 748 tonnes importées sur l’exercice 2024–2025. La demande domestique est en forte croissance, portée par les secteurs des véhicules électriques, de l’éolien et de la défense. Le groupe public IREL (India) Limited détient le monopole sur les sables minéralisés contenant de la monazite, et explore des partenariats technologiques avec des entreprises japonaises et sud-coréennes pour valoriser ces ressources localement.
La stratégie indienne s’inscrit dans un mouvement de réindustrialisation, appuyé par la réforme du Mines and Minerals (Development and Regulation) Amendment Act, qui autorise désormais le secteur privé à explorer et exploiter les minerais critiques, y compris les terres rares. Cette ouverture vise à accélérer l’intégration verticale de la chaîne de valeur, du minerai jusqu’aux composants industriels.
Marché mondial sous tension et effets attendus
La Chine contrôle près de 70 % du minage mondial, plus de 90 % du raffinage et plus de 90 % de la production d’aimants permanents. Ses nouvelles restrictions à l’exportation ont accentué les tensions dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. En réponse, l’Inde cherche à devenir un fournisseur alternatif crédible dans le cadre des stratégies de relocalisation ou friend-shoring menées par les États-Unis, l’Union européenne et le Japon.
La capacité indienne projetée représenterait environ 10 % des exportations chinoises de 2024, estimées à 58 000 tonnes. Même si l’impact sur les prix mondiaux pourrait rester limité, ce développement modifierait progressivement la géographie industrielle du secteur. L’essentiel de la production indienne devrait être absorbé localement, réduisant ainsi la pression sur les importations critiques.
Conséquences pour les entreprises bénéficiaires
Les sociétés sélectionnées bénéficieront de subventions d’amorçage et d’un soutien lié au chiffre d’affaires pendant cinq ans, réduisant significativement les délais de retour sur investissement. Elles auront pour débouchés prioritaires les constructeurs de véhicules électriques, les fabricants d’éoliennes et les industriels de la défense, tous confrontés à des risques d’approvisionnement accrus.
Les entreprises devront toutefois relever le défi technologique de produire des aimants à base de néodyme-fer-bore (NdFeB) et samarium-cobalt (SmCo) aux standards requis par les marchés de l’automobile, de l’aéronautique et de l’électronique de défense. Les autorités indiennes comptent sur la structuration de partenariats internationaux pour accélérer le transfert de savoir-faire.