Le gouvernement turc et la Banque mondiale finalisent un projet de financement pouvant atteindre 6 Mds $ pour renforcer le réseau de transport d’électricité. L’objectif est d’adapter l’infrastructure existante à l’intégration de capacités renouvelables et nucléaires accrues d’ici 2035, tout en sécurisant les besoins d’interconnexion régionale vers l’Union européenne.
Un levier technique pour un quadruplement des capacités
Ce programme vise à rendre techniquement possible le quadruplement du parc solaire et éolien turc, ainsi que l’absorption de 7,2 GW de capacités nucléaires en projet ou en construction. Le gestionnaire national de transport d’électricité, Turkish Electricity Transmission Corporation (TEİAŞ), reste au cœur de cette stratégie, en s’appuyant sur les normes techniques et de passation de marché de la Banque mondiale.
L’initiative s’inscrit dans la continuité du prêt de 750 M$ accordé en octobre dans le cadre du projet Transforming Power Transmission System. Les infrastructures prévues doivent faciliter la fiabilité du réseau face à une production intermittente croissante, tout en évitant les congestions tarifaires et techniques déjà observées.
Rééquilibrage géopolitique et ancrage occidental
Ankara choisit de structurer ce financement autour d’acteurs multilatéraux occidentaux, en rupture avec les schémas bilatéraux russes ou chinois utilisés par le passé. Cette orientation permet d’aligner les futurs projets avec les standards européens de régulation (ENTSO-E), de compliance financière et de cybersécurité, renforçant la compatibilité avec les flux transfrontaliers vers l’Europe.
La Turquie, tout en conservant des liens avec Rosatom pour le site nucléaire d’Akkuyu, évite ainsi un verrouillage énergétique complet par un fournisseur unique. Cette diversification accroît la marge de manœuvre d’Ankara dans un contexte de sanctions internationales ciblant les secteurs énergétiques russes.
Perspectives pour les industriels et investisseurs
Le programme de 6 Mds $ représente un segment d’un plan d’investissement total estimé à 28 Mds $ pour moderniser le réseau turc. Ce cadre ouvre un cycle d’appels d’offres structuré par les règles de la Banque mondiale, particulièrement attractif pour les équipementiers européens, japonais et chinois dans les segments HVDC, automatismes et digitalisation des réseaux.
La participation multilatérale améliore également la bancabilité des projets privés dans les renouvelables et le nucléaire. Pour les producteurs indépendants d’électricité (IPP) et les grands industriels, la perspective d’un réseau plus robuste renforce la stabilité tarifaire et la sécurité d’accès aux capacités de transport.
Renforcer le rôle régional d’exportateur d’électricité verte
Türkiye cherche à s’affirmer comme plateforme d’exportation d’électricité verte à destination de l’Union européenne. Le renforcement de ses interconnexions avec l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Bulgarie et la Roumanie appuie cette stratégie, en lien avec les projets de corridors électriques eurasiens comme le câble sous-marin en mer Noire.
Cette orientation pourrait repositionner Ankara au cœur des flux énergétiques eurasiens, tout en limitant la dépendance à l’importation d’énergie fossile. Pour les décideurs européens, cela pose la question d’un engagement renforcé ou d’un soutien alternatif à d’autres routes régionales.