Le gouvernement britannique a lancé une stratégie nationale baptisée « Critical Minerals – Vision 2035 » visant à encadrer l’approvisionnement du pays en matières premières critiques. Le plan repose sur trois cibles chiffrées : 10 % de la demande couverte par la production domestique, 20 % par le recyclage, et un plafonnement à 60 % de dépendance à un fournisseur unique pour chaque minerai stratégique.
Un cadre aligné sur les standards européens
Cette architecture réglementaire s’inspire directement du Critical Raw Materials Act de l’Union européenne, avec des seuils proches mais un calendrier distinct. Londres entend limiter les risques économiques liés à une trop forte exposition à des fournisseurs uniques, tout en maintenant une marge de manœuvre diplomatique.
Les autorités britanniques reconnaissent explicitement le déséquilibre actuel du marché mondial. La Chine détient environ 70 % de la production de terres rares et près de 90 % des capacités de raffinage, une situation jugée vulnérable pour des secteurs clés comme la défense, l’automobile, les centres de données et les technologies énergétiques.
Déploiement régional et financement initial
La Cornouailles a été désignée comme pôle minier prioritaire avec un fonds public de 50 M£ destiné à soutenir les premières phases de projets d’exploration et d’extraction. Cornish Lithium, British Lithium et Imerys figurent parmi les acteurs déjà positionnés sur des gisements de lithium et de tungstène exploitables à horizon 2035.
Les objectifs affichés de production atteignent 50 000 tonnes de lithium ou équivalent carbonate, ciblant les besoins des gigafactories, constructeurs automobiles et intégrateurs d’aimants permanents. L’ambition de Londres reste toutefois conditionnée à la mobilisation de capitaux privés, le montant public engagé ne couvrant qu’une fraction des investissements requis.
Partenariats extérieurs et politique de « de-risking »
Le Royaume-Uni a signé un accord de coopération avec l’Arabie saoudite dans le domaine minier, avec pour objectif de diversifier ses flux d’approvisionnement hors de la sphère chinoise. Londres évite toutefois le terme de « découplage » et préfère inscrire cette orientation dans une logique de réduction de risque.
Le précédent industriel de Nexperia a renforcé l’intérêt pour une approche réglementaire plus rigoureuse. L’affaire a illustré comment des actifs sensibles pouvaient devenir des leviers de pression géopolitique, en particulier dans les chaînes de valeur liées aux semi-conducteurs, aux terres rares et au tungstène.
Surveillance renforcée des chaînes d’approvisionnement
La stratégie implique un renforcement des obligations de traçabilité. Les entreprises devront détailler l’origine des matières premières utilisées, en cohérence avec les normes européennes sur les critical raw materials. Ce reporting obligatoire s’appliquera en priorité aux secteurs de la défense, de l’énergie, de l’automobile et des technologies numériques.
Le gouvernement britannique devra aussi encadrer la mise en œuvre réglementaire via plusieurs leviers : autorisations environnementales, filtrage des investissements étrangers et encadrement des aides d’État. Les régulateurs environnementaux auront notamment la capacité d’influer sur le rythme de délivrance des permis miniers et sur les conditions d’exploitation.
Contraintes juridiques et risques d’acceptabilité
Les standards environnementaux britanniques pourraient devenir un frein opérationnel si les exigences locales dépassent les pratiques industrielles courantes. À l’inverse, un assouplissement trop marqué exposerait le Royaume-Uni à des accusations de dumping environnemental ou à des contentieux climatiques.
Le financement limité de l’État impose aux développeurs de projets de sécuriser des contrats d’achat à long terme pour garantir leur rentabilité. La réussite de la stratégie dépendra largement de la capacité du pays à offrir un cadre réglementaire prévisible et compétitif par rapport aux régimes de soutien existants dans l’Union européenne et aux États-Unis.