Kyushu Electric Power (Kyushu EPCO) a lancé la conversion de sa centrale hydroélectrique de Morozuka, située dans la préfecture de Miyazaki, en une station de transfert d’énergie par pompage (STEP). Mise en service au début des années 1960, cette infrastructure de 50 MW sera reconfigurée pour répondre à l’augmentation du curtailment des énergies renouvelables et à la demande croissante en services de flexibilité sur le réseau électrique de Kyushu.
Un contexte énergétique sous tension
Le système électrique japonais reste largement tributaire des importations de combustibles fossiles, représentant encore près de 70 % de la production en 2023. Dans ce cadre, les utilities telles que Kyushu EPCO cherchent à limiter leur exposition aux fluctuations de prix et aux risques géopolitiques. Le projet Morozuka s’intègre dans cette dynamique en réduisant la dépendance aux approvisionnements étrangers, notamment en gaz naturel liquéfié (GNL) et en charbon, dont certaines sources, comme la Russie, sont désormais exclues du mix énergétique japonais.
Cette conversion fait également écho aux ambitions de la stratégie nationale 2040, qui vise à porter la part des énergies renouvelables entre 40 et 50 %, tout en maintenant le nucléaire autour de 20 %. Dans cette trajectoire, la flexibilité du système devient une condition impérative pour éviter le curtailment croissant du solaire et de l’éolien, particulièrement marqué sur l’île de Kyushu.
Cadre réglementaire favorable à la reconversion
Le projet s’appuie sur un cadre juridique combinant régulation des utilities intégrées, marchés de capacité (JEPX), et subventions ciblées du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI). Bien que les STEP ne bénéficient pas de tarifs d’achat garantis comme les renouvelables sous mécanismes FIT/FIP (Feed-in Tariff / Feed-in Premium), elles sont valorisées pour leur rôle dans l’équilibrage du réseau et dans l’évitement des pertes de production liées au curtailment.
L’utilisation d’une infrastructure existante permet de limiter les obstacles administratifs, le site disposant déjà des droits d’eau, du foncier et d’équipements lourds comme les digues et les conduites. Toutefois, les contraintes environnementales dans la région, sujette à des épisodes de précipitations extrêmes, nécessitent des études approfondies sur les cycles hydrologiques et les risques associés.
Alignement industriel et territorial
Kyushu EPCO pilote directement l’opération, s’appuyant sur son expérience dans la modernisation de centrales hydroélectriques et sur un portefeuille régional de 3,6 GW. Les autorités locales de la préfecture de Miyazaki et les communes concernées sont intégrées à la concertation, notamment sur les volets liés à la gestion de l’eau et aux retombées économiques. Plusieurs fournisseurs d’équipements hydromécaniques pourraient également bénéficier d’un effet d’entraînement si d’autres centrales suivaient la même trajectoire de conversion.
Le projet s’inscrit dans une logique de repositionnement économique de l’actif. Là où Morozuka ne générait jusqu’ici que des revenus liés à la production d’énergie, la future STEP permettra de capter des flux plus diversifiés : arbitrage sur les prix horaires, participation aux services système, contribution aux marchés de réserve.
Conséquences pour les prix et la planification réseau
L’introduction d’une STEP modifie significativement la structure tarifaire horaire sur le marché de gros de Kyushu. La capacité à lisser les écarts entre les creux et les pointes réduit la rentabilité des centrales thermiques de pointe mais stabilise les revenus des producteurs renouvelables. Elle permet aussi une meilleure bancabilité des projets solaires et éoliens environnants, notamment dans les montages de type corporate power purchase agreements (CPPA).
Du point de vue industriel, Morozuka STEP inaugure un segment potentiellement répétable dans la modernisation des actifs hydroélectriques. La revalorisation de sites existants pourrait structurer une filière locale combinant ingénierie, travaux publics et automatisation, tout en différenciant Kyushu EPCO des autres opérateurs japonais.
Implications stratégiques et géopolitiques
La conversion permet à Kyushu EPCO de renforcer son indépendance stratégique, en internalisant une partie de la réponse à la volatilité des marchés internationaux de l’énergie. Elle illustre également un recentrage de ses investissements sur le territoire japonais, au détriment de projets GNL internationaux plus capitalistiques.
Le projet s’aligne par ailleurs avec les attentes des autorités publiques en matière de résilience énergétique et de conformité réglementaire. Il positionne l’opérateur comme un acteur bas-carbone crédible sans dépendance excessive à des partenaires étrangers soumis à régimes de sanctions.
L’absence de Kyushu EPCO des listes de sanctions étrangères, combinée à son rôle dans l’application des mesures japonaises contre les importations russes, en fait une contrepartie attractive pour les financeurs internationaux de projets d’infrastructure énergétique.