Uniper a décidé de placer sous cocon l’unité Karlshamn-2, une centrale au fuel de 335 MW située dans le sud de la Suède, après l’échec du processus de contractualisation de la réserve stratégique pour l’hiver 2025/26. Le gestionnaire de réseau Svenska kraftnät (Svk) n’a pu conclure aucun contrat, laissant les zones SE3 et SE4 sans filet de sécurité hivernal. Cette décision met fin à toute rémunération de disponibilité pour Karlshamn-2, dont la viabilité hors dispositif centralisé devient incertaine.
Un mécanisme validé par Bruxelles mais bloqué par ses paramètres
La Commission européenne avait autorisé en juillet 2025 un mécanisme de réserve stratégique d’environ €300mn, destiné à sécuriser des capacités de secours non-marchandes. Toutefois, les offres reçues par Svk ont été jugées incompatibles avec les plafonds tarifaires imposés par les règles européennes sur les aides d’État. L’échec de cette procédure souligne un déséquilibre entre les coûts croissants de maintien des unités de secours — alimentés par l’inflation des charges d’exploitation et du fuel — et les contraintes réglementaires européennes.
Les zones SE3 et SE4, structurellement déficitaires en capacité de production, dépendent d’importants flux internes nord-sud et des importations depuis la Norvège, le Danemark ou la Pologne via l’interconnexion SwePol. Une vague de froid régionale réduirait la disponibilité des importations, accroissant le risque de déséquilibres et de recours coûteux aux mécanismes d’équilibrage de type mFRR (manual Frequency Restoration Reserve).
Un signal d’alerte pour l’architecture de marché
La fermeture de Karlshamn-2 réactive en Suède le débat entre réserve stratégique ciblée et mécanisme de capacité généralisé (capacity remuneration mechanism, CRM). Svenska kraftnät étudie une réforme post-2025 intégrant un CRM, plus adapté aux nouvelles contraintes d’adéquation issues de la montée des énergies renouvelables au nord et de la raréfaction des capacités pilotables au sud.
Les producteurs et opérateurs de flexibilité considèrent ce contexte comme une opportunité potentielle, à condition d’obtenir une visibilité réglementaire suffisante. Le retrait de Karlshamn-2 renforce l’intérêt pour des investissements dans le stockage, le demand response et les unités thermiques rapides, si ceux-ci sont soutenus par une rémunération de capacité explicite compatible avec le droit européen.
Conséquences pour le marché, Uniper et la géopolitique régionale
La désactivation de Karlshamn-2 accroît la volatilité sur les marchés de gros dans les zones sud, en particulier lors des pics hivernaux. Les prix de day-ahead pourraient refléter une prime de risque plus élevée, et les acteurs industriels devront envisager des stratégies de couverture renforcées. Les services d’équilibrage comme les options de réserve et les produits mFRR deviennent plus stratégiques, alors que l’incertitude sur le cadre réglementaire reste entière.
Pour Uniper, la fin du contrat de réserve stratégique entraîne une perte de revenus fixes liés à la disponibilité, tout en réduisant les coûts variables de l’unité. La situation de Karlshamn-3, toujours en service mais sans garantie de soutien à long terme, reste en suspens. En l’absence d’un mécanisme structurant, Uniper pourrait envisager une mise sous cocon similaire à moyen terme.
Au niveau régional, la dépendance accrue aux importations et à la coordination entre opérateurs nordiques (Statnett, Energinet, PSE) accentue l’exposition aux aléas de réseau et à une éventuelle synchronisation de tensions hivernales. Le cas Karlshamn-2 illustre les tensions croissantes entre objectifs de sécurité d’approvisionnement et conformité réglementaire dans un contexte de transition mal séquencée.