L’Inde s’apprête à franchir un seuil critique dans son industrie solaire, avec une capacité de production de modules photovoltaïques dépassant 125 gigawatts d’ici la fin 2025, alors que la demande intérieure plafonne à environ 40 gigawatts. Cette expansion rapide, soutenue par le plan d’incitation à la production (Production Linked Incentive, PLI) du gouvernement indien, a généré un excédent de 29 gigawatts de modules invendus à la fin du troisième trimestre 2025.
Le ralentissement américain freine les ambitions d’exportation
Ce déséquilibre entre production et consommation intervient alors que le marché d’exportation principal de l’Inde, les États-Unis, connaît un net repli. Les nouvelles taxes réciproques de 50 % imposées par Washington ont entraîné une chute de 52 % des exportations indiennes de modules solaires vers les États-Unis au premier semestre 2025, par rapport à la même période en 2024. En réponse, plusieurs fabricants indiens ont suspendu leurs projets d’usines aux États-Unis pour réorienter leurs efforts vers le marché domestique.
La directrice de la recherche sur la chaîne d’approvisionnement solaire de Wood Mackenzie a indiqué que « le programme PLI a efficacement stimulé les annonces d’usines, mais les signes d’une surcapacité rapide rappellent les conditions ayant précédé l’effondrement des prix en Chine ». Elle a ajouté que le véritable défi consiste désormais à atteindre une compétitivité des coûts et à diversifier les marchés d’exportation.
Le coût reste un obstacle à la compétitivité
Selon les données de Wood Mackenzie, un module assemblé en Inde avec des cellules importées coûte au moins $0,03/W de plus qu’un module entièrement fabriqué en Chine. Un module intégralement produit en Inde, conformément aux exigences de contenu local, coûterait plus du double d’un module chinois équivalent. Cette disparité compromet la compétitivité de l’offre indienne sans soutien public significatif.
Pour atténuer ces écarts, les autorités indiennes ont mis en place une série de mesures de protection, dont une Liste approuvée des modèles et fabricants (Approved List of Models and Manufacturers, ALMM) et une taxe antidumping de 30 % recommandée sur les cellules et modules chinois. Ces outils visent à protéger l’industrie nationale durant cette période de transition critique.
Un avenir conditionné à l’innovation et à la diversification
Malgré les tensions actuelles, les analystes estiment que l’Inde détient le potentiel le plus tangible pour concurrencer la domination chinoise sur la chaîne d’approvisionnement solaire mondiale. Toutefois, avec une capacité nationale dépassant largement la demande protégée de 40 gigawatts, les fabricants devront s’émanciper des dispositifs de soutien gouvernementaux pour assurer une croissance durable.
La même analyste a déclaré que les difficultés actuelles devraient être vues comme une feuille de route : l’accent doit désormais porter sur l’innovation technologique, la recherche et développement, et la conquête de nouveaux débouchés à l’exportation, notamment en Afrique, en Amérique latine et en Europe.