L’Agence internationale de l’énergie (AIE) est confrontée à une pression croissante de l’administration Trump, qui conteste la trajectoire adoptée par l’institution en faveur de la réduction des énergies fossiles. Le secrétaire américain à l’Énergie, Chris Wright, a averti en juillet que les États-Unis, premier producteur mondial de pétrole, pourraient se retirer de l’organisation si des réformes profondes n’étaient pas mises en œuvre.
Un retour stratégique d’un scénario abandonné
Le rapport World Energy Outlook de l’AIE, dont la publication est prévue en novembre, inclura un scénario illustrant une croissance continue de la demande en énergies fossiles en l’absence de politiques climatiques. Ce modèle, abandonné en 2020, avait été écarté au profit d’un scénario centré sur l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, qui recommandait l’arrêt de tout nouveau projet pétro-gazier.
Selon plusieurs sources ayant eu accès à la version de travail du rapport, cette réintroduction résulte de consultations avec plusieurs parties prenantes, dont les autorités américaines. Ce changement intervient après des critiques répétées sur la gouvernance de l’AIE et le rôle disproportionné que les États-Unis estiment jouer dans son financement et ses orientations.
Un virage observé dans les derniers rapports
Ces derniers mois, l’AIE a recentré sa communication sur la sécurité énergétique, appelant à des investissements dans de nouveaux projets d’extraction pour compenser le déclin naturel des champs existants. Ce positionnement a été perçu comme une inflexion significative par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui l’a qualifié de « volte-face ».
Le débat sur les scénarios énergétiques devient un enjeu diplomatique et économique majeur, alors que ces projections influencent les décisions d’investissement à long terme dans le secteur. L’agence rappelle que ses scénarios ne sont pas des prévisions, mais des représentations de trajectoires possibles selon différentes hypothèses politiques et économiques.
Un rapport suivi de près par les acteurs du marché
Malgré la pression exercée par Washington, plusieurs analystes soulignent que l’AIE conserve son indépendance. Toutefois, l’introduction d’un scénario aligné sur une poursuite du développement pétro-gazier pourrait alimenter une bataille de narratifs sur la direction à prendre pour le système énergétique mondial.
Dans ce contexte, les gouvernements, industriels et institutions financières attendent avec attention le contenu final du rapport. « La grande question, c’est leur interprétation, car ils servent de référence pour certains, voire de dogme », note Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du Centre énergie et climat à l’Institut français des relations internationales.