La Première Nation Haisla, implantée depuis plus de 9 000 ans sur la côte nord-ouest du Canada, détient désormais la majorité du capital du terminal d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) Cedar LNG, en Colombie-Britannique. Ce projet de C$4bn ($2,96bn), dont l’entrée en service est prévue pour 2028, est développé en partenariat avec la société Pembina Pipeline, basée à Calgary. Il s’agit du premier projet GNL au monde majoritairement détenu par une communauté autochtone.
Un modèle de partenariat et de financement inédit
La Première Nation Haisla détient 50,1% de Cedar LNG, un projet rendu possible grâce à l’accès anticipé au gazoduc Coastal GasLink et à une mobilisation communautaire largement favorable. Le projet bénéficie d’un financement structuré à 60% par un prêt de construction bancaire et à 40% par des apports en capitaux. Pour financer sa part, la communauté Haisla a obtenu un prêt record de C$1,4bn ($1,03bn) auprès de la First Nations Finance Authority, une organisation à but non lucratif détenue par des gouvernements autochtones.
Ce prêt représente la plus importante somme jamais accordée par la FNFA, selon les représentants du projet. Près de 93% des membres de la communauté ont approuvé ce financement par voie de vote. Le remboursement de la dette pourrait durer une décennie avant que les revenus soient redistribués au sein de la communauté.
Des enjeux de gouvernance et de stabilité
Le conseil d’administration de Cedar LNG est composé de quatre représentants de Pembina et de quatre membres Haisla, dans une gouvernance équilibrée. Initialement envisagés comme partenaires minoritaires par Pembina, les Haisla ont insisté pour devenir actionnaires majoritaires. Selon Pembina, cette décision a été déterminante pour garantir la viabilité à long terme du projet.
Le partenariat avec Pembina intervient après l’échec de son projet Jordan Cove aux États-Unis. Pour la société canadienne, Cedar LNG représente une réorientation stratégique de ses investissements GNL, appuyée par un contexte réglementaire plus stable et une acceptabilité sociale jugée plus élevée.
Une dynamique contrastée à l’échelle nationale
Au Canada, 73% des grands projets énergétiques se situent sur ou à proximité de territoires autochtones. Toutefois, la participation financière de communautés autochtones ne garantit pas l’adhésion unanime. En février, TC Energy a annulé un accord de vente d’une participation dans son réseau de gazoducs, sans en expliquer les raisons.
Le projet Ksi Lisims LNG, soutenu par la Nation Nisga’a, illustre cette polarisation. D’autres groupes autochtones, comme les chefs Gitanyow, s’y opposent en raison d’impacts potentiels sur la faune et le territoire. Malgré l’approbation fédérale obtenue en septembre, des contestations judiciaires sont envisagées.
Un indicateur de tendances structurelles
Selon le cabinet Fasken, 165 projets énergétiques ou d’infrastructure au Canada sont aujourd’hui partiellement ou totalement détenus par des communautés autochtones. Près de 29% de ces accords ont été annoncés au cours des deux dernières années, témoignant d’une accélération de cette forme d’investissement.
Maureen Nyce, nommée cheffe de Cedar LNG en juillet, a confirmé que les fonds issus du projet, une fois la dette remboursée, seront réinvestis dans des programmes de logement, de formation, de santé et d’accompagnement social. Elle n’a pas communiqué d’estimation précise sur les recettes attendues, mais a souligné la portée structurante du projet pour sa communauté.