Les prix des quotas d’émission dans le cadre du système européen d’échange de quotas d’émission (EU Emissions Trading System, EU ETS) ont dépassé 76 euros par tonne de dioxyde de carbone équivalent, atteignant leur plus haut niveau depuis six mois. Ce mouvement intervient dans un contexte d’achats tardifs de la part d’acteurs industriels qui doivent remettre leurs quotas avant la date limite de fin septembre. La pression est renforcée par la progression des prix du gaz naturel, qui accroît la demande de quotas pour le secteur de la production d’électricité.
Une demande accrue avant la date limite
Les opérateurs doivent remettre des quotas correspondant à leurs émissions de l’année précédente au plus tard le 30 septembre. Cette échéance annuelle entraîne traditionnellement une intensification des transactions en fin d’été. Pour 2025, la situation est particulière puisque le secteur maritime participe pour la première fois à l’EU ETS, élargissant ainsi la base des acteurs contraints de se conformer. Cette extension contribue à renforcer la demande alors que les positions de couverture se multiplient.
Les niveaux de stockage de gaz en Europe accentuent également cette dynamique. Les réserves sont inférieures à celles de l’année précédente, se situant autour de 78,5 % contre plus de 92 % à la même période en 2024. Cette différence alimente une hausse des prix du gaz sur le hub néerlandais TTF (Title Transfer Facility), stimulant indirectement la consommation de quotas d’émission par les producteurs d’électricité cherchant des alternatives au charbon.
Les anticipations des analystes
Plusieurs analystes observent un glissement progressif des fondamentaux, passant d’un marché baissier durant l’été à un environnement plus ferme. Des estimations récentes projettent un maintien des prix au-dessus de 73 à 78 euros par tonne au quatrième trimestre, avec un possible franchissement de la barre des 80 euros au premier trimestre 2026. Ces anticipations reposent sur une demande hivernale plus forte et sur la réduction de l’offre liée au resserrement progressif du plafond annuel des quotas.
Les données de marché confirment aussi une reprise de l’intérêt spéculatif. Le dernier rapport sur les engagements des traders montre une augmentation significative des positions longues détenues par les fonds d’investissement, atteignant leur plus haut niveau depuis plusieurs mois. Cette évolution traduit une confiance accrue dans la solidité des prix et marque une rupture avec l’atonie observée au cours de l’été.
Des facteurs structurels en arrière-plan
Les discussions réglementaires en cours ajoutent une dimension supplémentaire aux perspectives. L’Union européenne a récemment lancé une consultation sur les modalités de mise en œuvre du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (Carbon Border Adjustment Mechanism, CBAM), qui devrait réduire progressivement les allocations gratuites pour certains secteurs. Les résultats de cette consultation sont attendus à l’automne et pourraient modifier les équilibres entre offre et demande de quotas.
En parallèle, certains États membres plaident pour l’introduction limitée de crédits internationaux afin d’atténuer les tensions futures sur le marché. Toutefois, les débats actuels suggèrent que ces volumes resteront faibles et encadrés, renforçant l’hypothèse d’un marché structurellement tendu au cours des prochaines années. Ces facteurs, combinés aux obligations de conformité, expliquent la fermeté actuelle du marché et les projections haussières pour la période 2025-2026.