L’Irlande a publié une stratégie dédiée au Sustainable Aviation Fuel (SAF, carburant d’aviation durable), structurée autour de quatre voies : prévisibilité de marché, coopération entre acteurs, soutien à l’incorporation et appui à la production. Le document s’appuie sur un groupe de travail réunissant administration, aéroports, compagnies aériennes et milieux académiques. L’objectif est d’identifier les obstacles à l’importation et à la production future, et d’ordonner des actions initiales appelées à évoluer.
Cadre européen et obligations de mélange
Le règlement ReFuelEU Aviation fixe des parts minimales de SAF dans le carburant livré aux aéroports de l’Union européenne : 2 % en 2025, 6 % en 2030 et 20 % en 2035, avec des sous-objectifs pour les carburants de synthèse dès 2030. Ces objectifs sont suivis par les agences européennes et intégrés dans le cadre plus large des politiques climatiques.
Selon la feuille de route, la demande irlandaise projetée atteindrait 88 000 t en 2030 puis 318 000 t en 2035. Le document rappelle aussi qu’un pipeline européen d’eSAF (Power-to-Liquid, PtL, carburant de synthèse) d’environ 1,1 Mt à l’horizon 2030 n’avait pas encore atteint de décisions finales d’investissement, ce qui illustre l’écart entre l’offre mondiale et les volumes requis par ReFuelEU.
Coûts, mécanismes de soutien et signaux-prix
La feuille de route souligne l’écart de prix entre le kérosène fossile et les SAF, comblé partiellement par des instruments européens. Le système d’échange de quotas de l’Union européenne alloue 20 millions de quotas gratuits à l’aviation sur 2024-2030 pour soutenir l’écart de prix à l’incorporation. En parallèle, l’UE a annoncé en 2025 un dispositif de subventions couvrant jusqu’à 6 €/l pour les e-fuels et 0,5 €/l pour les biofuels, financé par la vente d’une partie des quotas.
Les estimations publiques convergent sur un surcoût significatif du SAF : de deux à sept fois supérieur au carburant fossile selon les scénarios, voire davantage pour les carburants de synthèse. Ces ordres de grandeur expliquent le besoin de contrats d’enlèvement pluriannuels et d’incitations ciblées durant la montée en échelle.
Filières industrielles et ressources énergétiques
Le document identifie trois horizons de production : Hydroprocessed Esters and Fatty Acids (HEFA, esters et acides gras hydrotraités) en co-processing à court terme, biocarburants avancés à partir de résidus agricoles et forestiers à moyen terme, puis eSAF/PtL reposant sur hydrogène et CO₂ à long terme. La compétitivité dépendra de la disponibilité des matières premières, des coûts de l’électricité et de la maturité technologique.
L’Irlande lie explicitement l’option eSAF à ses objectifs d’éolien en mer : au moins 37 GW de capacité installée d’ici 2050, avec renforcement du réseau électrique. Le Budget 2025 prévoit une enveloppe d’environ 750 M€ pour accélérer les investissements de réseau, condition préalable à une production d’eSAF à grande échelle.
Demande côté compagnies et trajectoire de déploiement
Les transporteurs basés en Irlande affichent des cibles cohérentes avec ReFuelEU : Aer Lingus vise 10 % de SAF en 2030 et Ryanair 12,5 % à la même échéance. Ces trajectoires reposent sur des accords d’approvisionnement et sur la disponibilité régionale de volumes conformes aux critères européens. Plusieurs compagnies et fédérations sectorielles ont toutefois signalé un risque de sous-atteinte des objectifs 2030 en l’absence de baisse de coûts et d’un rythme d’investissements plus soutenu.
Le ministère précise que la feuille de route est un document évolutif, conçu pour être mis à jour à mesure que les obstacles à l’importation et à la production se clarifient, et que les instruments européens et internationaux se précisent. Le suivi s’appuiera sur la Task Force, des consultations régulières et le reporting européen, afin d’orienter les priorités industrielles et les dispositifs de soutien.