La consommation mondiale de charbon pourrait rester soutenue jusqu’en 2030, voire au-delà, selon un nouveau rapport Horizons publié par le cabinet de conseil Wood Mackenzie. Intitulée Staying power: How new energy realities risk extending coal’s sunset, l’étude met en lumière un éventail de facteurs susceptibles de prolonger la place du charbon dans le mix énergétique mondial, malgré les tendances vers la décarbonation.
Une trajectoire complexe pour le déclin du charbon
Le rapport suggère que la montée en puissance de l’électrification, les préoccupations croissantes en matière de sécurité énergétique et la jeunesse du parc charbonnier asiatique pourraient retarder le pic d’utilisation du charbon. Wood Mackenzie estime dans son scénario de base que la production d’électricité issue du charbon chutera de près de 70 % entre 2025 et 2050. Toutefois, son scénario alternatif prévoit une demande moyenne supérieure de 32 % sur la même période.
Dans cette hypothèse de forte demande, l’optimisation des capacités existantes permettrait de satisfaire la croissance rapide des charges, réduisant d’environ 2 100 gigawatts (GW) le déploiement mondial des énergies renouvelables, du stockage et du gaz naturel. L’absence d’investissements dans le captage et le stockage du carbone (Carbon Capture and Storage, CCS) entraînerait une augmentation des émissions de deux milliards de tonnes par rapport au scénario de base.
Pressions sur les investissements et risque d’insuffisance de l’offre
Le rapport souligne qu’un maintien prolongé de la demande pourrait creuser les lacunes en matière d’investissements dans l’offre charbonnière. Les fonds de capital-investissement et les fonds souverains seront probablement sollicités pour financer des projets miniers. Selon Wood Mackenzie, les établissements financiers occidentaux continueront de restreindre leurs engagements dans le charbon thermique, réduisant ainsi la capacité du marché à répondre à une éventuelle hausse de la demande.
L’analyste Anthony Knutson, responsable mondial des marchés du charbon thermique chez Wood Mackenzie, note que « l’insuffisance d’investissement est actuellement le plus grand risque pour les marchés charbonniers ». Une offre stagnante face à une demande robuste pourrait entraîner une hausse mondiale des prix et réduire la compétitivité économique du charbon sur le long terme.
Le potentiel technologique du captage du carbone
Le rapport explore également le potentiel du captage, de l’utilisation et du stockage du carbone (Carbon Capture, Utilisation and Storage, CCUS) comme moyen de prolonger la viabilité du charbon dans un monde orienté vers la réduction des émissions. David Brown, directeur de la pratique transition énergétique chez Wood Mackenzie, estime toutefois que « sans soutien politique massif et investissements ciblés, le CCUS ne pourra pas être déployé à grande échelle de manière compétitive ».
Selon les projections, l’Asie, principale consommatrice mondiale de charbon, fera face à des coûts de stockage du carbone élevés, freinant l’adoption généralisée de cette technologie. L’association du CCUS avec des centrales à gaz pourrait représenter une option plus viable, en raison de leur intensité carbone plus faible par kilowattheure produit.
Redéfinir la planification énergétique mondiale
L’évolution des priorités énergétiques mondiales traduit une volonté croissante des États de renforcer leur souveraineté énergétique. Face aux tensions géopolitiques et à la volatilité des marchés, les gouvernements cherchent à sécuriser des sources d’énergie fiables pour soutenir leurs objectifs d’électrification. Cette approche pourrait renforcer la dépendance à des ressources domestiques comme le charbon dans certaines régions, notamment en Asie.
Selon Wood Mackenzie, l’hypothèse de forte demande en charbon ne constitue pas une prévision, mais un signal d’alerte sur les trajectoires possibles en l’absence d’investissements suffisants dans les technologies de substitution.