Les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) continuent d’augmenter en 2024, atteignant un nouveau record avec 37,4 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO₂). Si les efforts locaux de réduction des émissions se poursuivent, notamment en Europe, une part croissante de cette pollution est externalisée par le biais des importations depuis des pays tiers. Cette dynamique met en évidence une tension grandissante entre les objectifs climatiques affichés par l’Union européenne (UE) et la réalité économique et industrielle du continent. Ainsi, malgré une baisse des émissions domestiques, l’empreinte carbone globale des Européens reste significativement élevée.
L’Europe affiche une baisse locale mais importe massivement
Selon les données récentes de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les émissions européennes de CO₂ ont diminué de 2,9 % en 2024, confirmant une tendance engagée depuis plusieurs années. Cette réduction s’explique principalement par l’accélération de l’adoption des énergies renouvelables et la désindustrialisation progressive dans certains États membres. Toutefois, ces chiffres ne prennent pas en compte les émissions importées, qui représentent une part substantielle du bilan carbone total européen. Ainsi, en incluant les émissions induites par les importations, l’empreinte carbone réelle des Européens demeure à un niveau élevé.
La Chine et l’Inde au cœur des émissions externalisées
Les économies émergentes, notamment la Chine et l’Inde, enregistrent en parallèle une hausse significative de leurs émissions de CO₂, en partie alimentée par la demande industrielle et de consommation européenne. En 2024, la Chine atteint environ 11 milliards de tonnes de CO₂ émises, demeurant ainsi le premier émetteur mondial, devant les États-Unis et l’Inde. L’Inde affiche pour sa part une augmentation d’environ 4 %, atteignant un record historique de plus de 3 milliards de tonnes émises. Une part importante de ces émissions provient de la production manufacturière et industrielle destinée à l’exportation vers l’Europe, particulièrement dans des secteurs tels que l’acier, l’électronique et le textile.
Impact économique et écologique pour les pays émergents
Cette externalisation de la pollution génère des implications économiques et environnementales considérables dans les pays émergents. En Afrique, notamment en Afrique du Sud et au Nigeria, les émissions augmentent fortement en raison de l’intensification des productions énergétiques fossiles destinées à satisfaire la demande extérieure. Le Brésil, quant à lui, connaît une hausse marquée des émissions liées à la déforestation et à l’agriculture intensive, largement alimentée par les exportations agricoles vers les marchés européens. La finalisation en cours de l’accord commercial entre l’Union européenne et le Mercosur pourrait intensifier ces échanges, renforçant ainsi la pression environnementale sur la région. Ces économies doivent gérer les conséquences environnementales directes tout en tentant de préserver leur croissance économique et industrielle dans un contexte d’expansion des échanges commerciaux.
Les limites des politiques climatiques européennes
Les politiques européennes se concentrent souvent sur des objectifs locaux précis, mais rencontrent des limites face à cette dépendance structurelle à l’égard des importations. Bien que des initiatives telles que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) soient progressivement mises en place, leur efficacité demeure encore incertaine. L’Union européenne doit ainsi composer avec la réalité économique de sa dépendance aux importations industrielles et énergétiques, tout en cherchant à maintenir une image de leader climatique international. Cette situation souligne un enjeu majeur pour les décideurs politiques : concilier ambitions climatiques affichées et contraintes économiques concrètes.